Immunomodulation

Cibler les check-points

Publié le 22/06/2015
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L’idée de combattre le cancer en stimulant le système immunitaire est ancienne, puisqu’elle date de la fin du XIXe siècle. Un chirurgien, William Coley, avait alors émis l’hypothèse que l’activation du système immunitaire par des bactéries (suite à des infections postopératoires) pouvait jouer un rôle dans le traitement des cancers. La notion que le système immunitaire est bloqué par des freins est beaucoup plus récente. Au début des années 1990, des chercheurs avaient démontré que des cellules du système immunitaire, et notamment les lymphocytes T, pouvaient reconnaître des antigènes exprimés à la surface des cellules tumorales. Puis il a été mis en évidence que ces lymphocytes T présents dans la tumeur étaient inactivés par l’expression de molécules de costimulation inhibitrices, situées à leur surface. Ce sont les fameux check points– ou freins – de l’immunomodulation, qui bloquent l’action antitumorale des lymphocytes. L’inhibition de ces molécules de costimulation inhibitrices par des anticorps monoclonaux réactive ces lymphocytes T antitumoraux.

Dans le mélanome métastatique, une première étude publiée en 2011 a montré l’efficacité d’un anticorps dirigé contre l’une de ces molécules de costimulation inhibitrices (CTLA4) (1). Puis une étude publiée fin 2014 comparant le nivolumab (anti-CTLA4) à la dacarbazine chez des patients porteurs d’un mélanome métastatique non muté BRAF fut interrompue précocement en raison d’un avantage significatif dans le bras nivolumab lors de l’analyse intermédiaire (2).

Il apparaît que ces molécules de costimulation inhibitrices sont nombreuses. La première mise en évidence fut la CTLA4, la deuxième la molécule PD1. Mais il en existe beaucoup d’autres.

Chaque molécule de ce type est la cible potentielle d’un traitement par anticorps. Ainsi, aujourd’hui, ces traitements (anti-CTLA4, anti-PD1) sont mis à disposition dans le mélanome métastatique en monothérapie. Des essais cliniques associant un anti-CTLA4 et un anti-PD1 ont montré une efficacité clinique plus significative que leur emploi en monothérapie (3,4). Dans le cancer du poumon à un stade avancé, des essais de phase III ont démontré l’efficacité des anticorps anti-PD1, notamment par comparaison avec des chimiothérapies de référence.

La recherche va plus loin. Ces anticorps sont évalués dans d’autres cancers, notamment de la vessie, du rein, certains cancers ORL, la maladie de Hodgkin, le cancer du sein triple négatif. Ces traitements présentent un atout par rapport aux thérapies ciblées, celui de la persistance de la réponse. Certes, tous les patients ne sont pas répondeurs, des échappements existent. Une des voies de la recherche est de découvrir des biomarqueurs permettant de sélectionner encore mieux les patients susceptibles de répondre.

Entretien avec le Pr Éric Tartour, service d’immunologie biologique, hôpital européen Georges Pompidou. INSERM U970 PARCC

(1) Robert C et al. N Engl J Med 2011;364:2517-26

(2) Robert C et al. N Engl J Med. 2015 Jan 22;372(4):320-30

(3) Postow MA et al. N Engl J Med. 2015 May 21;372(21):2006-17

(4) Efficacy and safety results from a phase III trial of nivolumab (NIVO) alone or combined with ipilimumab (IPI) versus IPI alone in treatment-naive patients (pts) with advanced melanoma (MEL) (CheckMate 067). ASCO 2015


Source : Le Quotidien du Médecin: 9422