Actualité soutenue oblige, le service de santé des armées recrute ponctuellement des médecins militaires sous contrat, généralistes et spécialistes diplômés d'État. L'une des missions principales de ce service est le soutien des forces militaires en opération extérieure : plusieurs médecins généralistes sont donc venus témoigner et raconter leur métier. Aide médicale à la population en marge d'interventions à l'étranger, forces spéciales, médecine à bord d'un sous-marin ou d'un porte-avion : pendant cette séquence, le cabinet du médecin généraliste n'était ni en ville, ni à la campagne.
Opérations extérieures
C'est ainsi le cas du Dr Julien Pontis, praticien confirmé et médecin de l'escadrille des sous-marins nucléaires d'attaque (Toulon), qui a détaillé les conditions complexes de l'exercice de la médecine générale sur sous-marin nucléaire lanceur d'engin (SNLE) : « Les SNLE sont les piliers de la dissuasion française : bien entendu, l'objectif n'est pas de lancer les missiles, mais nous devons tout de même rester sous l'eau, cachés, pendant des semaines. Les missions durent généralement deux à trois mois ». Avec 115 hommes et femmes à bord, le SNLE est comme une petite ville sous l'eau, dans une atmosphère confinée à surveiller, avec ses salles conviviales…. Et son médecin généraliste, dont les missions sont nombreuses. « En raison de la vie sous la mer, les premières semaines sont en général marquées par un grand nombre de pathologies ORL et pulmonaires, puis, dans un deuxième temps, l'ennui et les troubles du sommeil viennent perturber le quotidien des équipes », détaille le Dr Pontis.
L'une des grandes difficultés est l'isolement total du médecin face à certaines maladies et aux risques de complications : les médecins embarqués sont d'ailleurs formés à certains actes chirurgicaux. « L'objectif est de pouvoir agir en cas d'urgence car nous sommes souvent très loin d'un hôpital », complète le Dr Nicolas Robin, médecin sur un porte-avions de 125 mètres de long.
Outre la mer, certains médecins du service de santé des armées ont pour mission d'accompagner les forces spéciales : pour suivre les militaires dans les zones de guérillas ou de conflits, ils doivent être formés au tir, au parachutisme et à l'exercice de la médecine dans des milieux particuliers. « Pour devenir médecin des forces spéciales, nous passons en effet par des stages sur la médecine dans le désert, dans la jungle ou dans les montagnes et, à chaque fois, il faut apprendre à soigner des pathologies spécifiques à chaque environnement », raconte ainsi le Dr Gabriel Moran, praticien et médecin adjoint de l'antenne médicale spécialisée (Bayonne).
Situations sanitaires exceptionnelles
Il n'est parfois pas nécessaire d'aller sur un terrain de guerre pour devoir faire face à des situations sanitaires exceptionnelles, comme l'ont montré les attentats qui ont frappé le pays depuis 2015. Les soignants libéraux, médecins généralistes, pharmaciens et médecins du travail sont aux avant-postes de la menace terroriste. En effet, ils sont les premiers capteurs de la santé des populations et ont un rôle à jouer avant, pendant et après un événement dramatique inattendu. Le Dr Sébastien Ramade, praticien certifié au Centre d'enseignement et de simulation à la médecine opérationnelle (École du Val-de-Grâce, Paris), explique : « avant, les soignants peuvent transmettre les discours de prévention ; pendant, s'ils sont sur place, ils peuvent réaliser les bons gestes et sauver des vies ; et après, ils devront gérer le post-immédiat puis traiter la souffrance, dans la durée ».
En cas d'attentat, le médecin doit savoir que ce qui tue le plus vite, ce sont les hémorragies : « la priorité absolue est donc de distinguer les hémorragies massives, faire le plus rapidement possible des garrots aux victimes concernées, en notant l'heure de réalisation pour transmettre l'information aux secouristes et aux médecins de l'étape suivante, lorsque le patient peut être évacué », précise le Dr Ramade.
Du secourisme au combat, aux gestes réflexes qu'il faut avoir face à une ou plusieurs victimes de lésions potentiellement vitale, « l'évaluation et la prise en charge, à l'avant du service de santé des armées, permet ainsi au médecin généraliste ou au soignant libéral de limiter les risques de décès évitables, ajoute le Dr Ramade. Il est important de devenir acteur de la chaîne de secours ». Afin de passer de la théorie à la pratique, le service de santé des armées a par ailleurs animé deux ateliers consacrés aux gestes qui sauvent. Ces ateliers ont été particulièrement prisés par les jeunes médecins, qui sont désormais en mesure de s'ajuster à de telles situations avec peu de moyens, efficacité et en initiant un parcours de soin cohérent.
États de stress post-traumatique
Après le drame, les médecins généralistes ont aussi un rôle à jouer, notamment auprès des patients souffrant d'un état de stress post-traumatique (ESPT). Il peut se développer dans toutes les situations de traumatisme psychique, quel que soit l'âge, immédiatement après l'événement, après quelques jours voire des années plus tard… « Le médecin généraliste doit donc être vigilant et à l'écoute, même quand l'événement traumatique paraît bien loin », souligne le Dr Hugues Lefort, praticien confirmé, chef de service de la structure des urgences de l'hôpital d'instruction des armées Legouest (Metz).
Écouter, faire le lien avec le psychologue, l'assistant social et les autres professionnels de santé concernés, faire le point sur les addictions, intégrer la famille dans la prise en charge… « Le médecin ne doit pas gérer ça tout seul mais orchestrer la prise en charge globale de son patient », ajoute le Dr Lefort. Enfin, les nuances et les mots comptent : « il est primordial de dire au patient qu'il n'est pas malade, mais blessé », conclut le Dr Sébastien Ramade.
Sessions « Les gestes qui sauvent », « Le travail en équipe en france et à l'étranger : regards croisés », « Le médecin généraliste militaire en opération extérieure », « Implications civiles et militaires de la recherche », « Médecin libéral, patient et situations sanitaires exceptionnelles. Avant, pendant et après », organisées par le service de santé des armées.
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