Sport extrême

Comment médicaliser les ultra-trails

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Publié le 17/10/2019
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Des compétitions extrêmes où les sportifs dépassent les limites du physiologique : les services de réanimation font partie intégrante de l'organisation des ultra-trails, au cours desquels les complications sont fréquentes.
Les sportifs ont tendance à minimiser leurs symptômes, en particulier l’essoufflement 

Les sportifs ont tendance à minimiser leurs symptômes, en particulier l’essoufflement 
Crédit photo : phanie

Compétition sportive de course nature sur très longue distance, l’ultra-trail attire de plus en plus d’adeptes, pas toujours conscients des risques encourus. L’atelier organisé sur ce thème (1) donnera la parole à des pratiquants victimes d’une complication grave, ayant nécessité une hospitalisation, afin de recueillir leurs motivations, leurs connaissances des risques, leur vécu face à cet événement. Selon une étude menée à Saint-Étienne, les complications modérées sont assez fréquentes, les formes graves ayant conduit à une hospitalisation sont heureusement plus rares. « Mais le plus souvent, les patients ne s’y attendaient pas, convaincus que le sport de haut niveau protège », souligne le Pr Yann-Erick Claessens (Monaco).

Certes, le gain d’espérance de vie chez les sportifs de haut niveau est estimé à une dizaine d’années, mais il découle autant des règles d’hygiène de vie suivies par ces personnes que du sport lui-même. Celui-ci entraîne un risque traumatique, avec une notion de seuil en termes d’âge et de volume d’entraînement. Le risque de mort subite est près de six fois plus élevé que dans la population générale. Entre 2000 et 2010, 59 cas de morts subites sur 11 millions de compétiteurs marathoniens ont été colligés dans un registre nord-américain, ce qui est faible en valeur absolue mais bien plus élevé que dans la population d’hommes de 40 ans, où l’incidence est de 1/100 000.

Une inflammation de l'ensemble des tissus

L’atelier va aussi permettre de rappeler les bases physiologiques de ces sports extrêmes et préciser le moment de rupture entre le physiologique et le pathologique. Les études en imagerie fonctionnelle ont montré que ce type de pratique entraîne une inflammation de l’ensemble des tissus, muscles, dont le muscle cardiaque, et système digestif. Les hyponatrémies sont fréquentes, la survenue d’hypokaliémie peut favoriser les troubles du rythme, en particulier chez les sujets âgés de plus de 35 ans (hommes) et 45 ans (femmes), de plus en plus nombreux.

Le sport réduit le risque cardiovasculaire mais ne l’annule pas, et le sport extrême peut parfois dévoiler une pathologie sous-jacente méconnue malgré une épreuve d’effort préalable normale. Cette dernière doit être réalisée de façon systématique, par un cardiologue du sport. « La prévention doit être faite par des personnes ayant l’habitude des sportifs, qui souvent minimisent les symptômes, en particulier l’essoufflement », précise le Pr Yann-Erick Claessens.

Par ailleurs, l’effort prolongé modifie l’immunité et le risque infectieux est augmenté au décours d’une épreuve.

Bloquer des lits à l'avance

L’organisation des soins de ce type d’épreuves, aussi au programme de l’atelier, est particulière du fait de l’intensité des efforts, de leur caractère prolongé, du nombre élevé de participants et de la longueur des trajets. Il faut anticiper les modalités des secours, en ayant bien conscience que la partie médicale ne représente qu’une toute petite part des paramètres pris en compte dans l’organisation de ces ultra-trails. La chaîne de soins en cas d’événement sévère dans un environnement parfois complexe (montagne, zone isolée…) doit être anticipée, et nécessite une bonne collaboration avec les hôpitaux de proximité. « Il faut être très pragmatique, en bloquant par exemple un ou deux lits en soins intensifs et en mobilisant des équipes aptes à faire face à un afflux de pathologies traumatiques bénignes », indique le Pr Claessens.

Entretien avec le Pr Yann-Erick Claessens, service des urgences hôpital Princesse Grâce de Monaco, Monaco

(1) Atelier n° 6. Jeudi 17 octobre, 9h à 17h30.

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin