Négociations : le projet de l’UNCAM contre les gros « dépasseurs », la profession en alerte

Publié le 05/09/2012
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Crédit photo : S TOUBON

L’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (UNCAM) a présenté aux syndicats de médecins libéraux et aux complémentaires santé (UNOCAM) son projet pour supprimer les dépassements abusifs et définir un arsenal de sanctions contre les médecins dont les pratiques tarifaires sont jugées excessives.

Ayant constaté la faillite de l’application de la notion de « tact et de mesure », le directeur de l’UNCAM a remis aux partenaires un document de 6 pages (publié ci-dessous) dans lequel il propose plusieurs amendements à la convention médicale. Au chapitre consacré à l’exercice conventionnel, l’assurance-maladie souhaite inscrire noir sur blanc que « les médecins exerçant au sein du secteur à honoraires différents et les médecins titulaires d’un droit à dépassement permanent fixent et modulent le montant de leurs honoraires à des niveaux permettant l’accès aux soins des assurés sociaux et de leurs ayant droit ».

Des critères mesurables à la place du « tact et mesure »

« Le texte inscrit dorénavant que seraient sanctionnables les pratiques tarifaires excessives, explique Frédéric van Roekeghem, le patron de la CNAM. Ils seraient évalués sur la base de critères objectifs, c’est-à-dire mesurables. Ces critères sont ouverts à la négociation et nous réexaminerons l’ensemble des textes à la fin de la négociation en octobre. » Ces critères reposeraient principalement sur trois indicateurs :

- le taux de dépassements par rapport aux honoraires pris en charge par l’assurance-maladie

- la fréquence du dépassement par rapport aux honoraires opposables et la variabilité des honoraires pratiqués

- le reste à charge du patient, issu du cumul des dépassements d’honoraires qui devra rester sous un certain seuil non défini.

« À partir de ces trois notions, on peut tout à fait élaborer une jurisprudence autour des tarifications en secteur II », affirme Frédéric van Roekeghem.

Sanctions conventionnelles

Autre nouveauté du projet, l’assurance-maladie propose de « suspendre la liberté tarifaire dès lors qu’elle serait utilisée de façon inappropriée ». « Si cette sanction n’est pas suffisante, nous proposons d’aller jusqu’au déconventionnement du praticien, déclare le directeur de l’UNCAM. Pour les praticiens des plateaux techniques, nous souhaiterions que le remboursement de la clinique soit conditionné au fait que l’activité du praticien soit conventionnée. Cela nous paraît normal car la Sécurité sociale ne rembourse pas seulement les actes des praticiens mais aussi les GHS ».

Le dispositif de sanctions envisagé s’échelonnerait depuis l’avertissement jusqu’à la suspension temporaire du droit à dépassement permanent ou du secteur II. Le médecin pourrait également voir suspendre la participation des caisses à la prise en charge des avantages sociaux par les caisses pendant un, trois, six ou douze mois, précise le projet.

Les médecins disposeraient de voies de recours (conventionnelles et devant les tribunaux). Le directeur de l’UNCAM a précisé qu’il serait attentif à ce que la procédure de sanction soit « équitable » et a dit attendre les propositions d’amendement des médecins.

Levée de boucliers

À la sortie de la séance, les syndicats de médecins libéraux exprimaient leur ferme opposition au projet de l’UNCAM. « Ce dispositif est trop complexe, trop techno et illisible, estime le Dr Jean-François Rey, président de l’Union nationale des médecins spécialistes confédérés (UMESPE-CSMF). Nous n’avons pas la garantie que ce dispositif s’appliquera aux seuls médecins qui ont des dépassements hors-normes. Je redoute qu’au niveau local, des directeurs de caisses agressifs s’emparent de ce dispositif de manière excessive ».

Le Dr Xavier Gouyou-Beauchamps (Le BLOC), déplore que l’assurance-maladie veuille « définir le hors-norme sans avoir défini la norme ». « Personne ne parle de l’absence de revalorisation de secteur I qui a amené cette situation », enchaîne le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF.

Au SML, le Dr Christian Jeambrun fulmine contre l’assurance-maladie qui « s’arroge dans la convention le droit de régler le respect du tact et de la mesure en lieu et place de l’Ordre des médecins ». La tonalité est moins virulente à MG France. Le Dr Vincent Rébeillé-Borgella souligne que « le problème d’accès aux soins ne peut pas à être lié aux seuls dépassements excessifs de 250 médecins ».

« Un accord potentiel sera un accord global, prévient le Dr Michel Chassang, président de la CSMF. Pour être crédible, ce dispositif devra aller dans le sens de l’incitation. Les chapitres de la discussion à venir sur le contrat d’accès aux soins et la valorisation du secteur I seront donc primordiaux ».

La voie vers un accord semble sinueuse. « La négociation sera longue », a justement prédit le directeur de l’UNCAM.

Le texte de la convention discuté ce mercredi 6 septembre.

 CHRISTOPHE GATTUSO

Source : lequotidiendumedecin.fr
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