« Le terme de lymphœdème (LO) nous induit d’emblée en erreur, car il ne s’agit pas seulement d’une pathologie liquidienne, mais d’une atteinte tissulaire, constituée de fibrose, de tissu adipeux et… seulement d’un peu de lymphe ! », remarque le Dr Stéphane Vignes, de l’Unité de Lymphologie à l’Hôpital Cognacq-Jay. Le système lymphatique recycle en permanence plusieurs litres de lymphe par jour. Dès que ses capacités sont débordées, le liquide s’accumule au niveau interstitiel sous-cutané, active localement les fibroblastes, les adipocytes et les kératinocytes, d’où un épaississement tissulaire, constitué à la fois de fibrose, de tissu adipeux et de lymphe – la seule sur laquelle on peut agir. La répartition de ces différents éléments n’est pas homogène ; par exemple, le tissu adipeux prédomine au niveau du bras, tandis que le volume liquidien est plus important au niveau de l’avant-bras.
En France, la première cause de LO reste le cancer du sein, même si on note une tendance à sa diminution. Les principaux facteurs de risque sont le curage axillaire (15 % de LO dans les suites), le ganglion sentinelle (6 à 8 %), la radiothérapie – même si elle ne comprend pas le creux axillaire – et surtout l’obésité, un IMC > 30 multipliant par 4 le risque de LO. Celui-ci peut survenir des années après la chirurgie, la moitié dans les deux ans. Au niveau des membres inférieurs, les principaux responsables sont les cancers pelviens, essentiellement chez les femmes, mais aussi les mélanomes avec curages inguinaux, les lymphomes ou autres pathologies traitées par radiothérapie inguinale.
Les LO primaires sont bien plus rares. Ils concernent sept femmes pour 3 hommes, avec un pic à l’âge de 11 ans. Ils sont caractéristiques ; dans les formes unilatérales, le point de départ est distal avant de s’étendre à tout le membre, les formes bilatérales étant uniquement distales. Il existe des formes familiales, extrêmement rares. C’est lorsqu’on suspecte une forme primaire que la lymphoscintigraphie peut avoir un intérêt.
Réduire le volume
L’objectif du traitement est de réduire durablement le volume du lymphœdème. En 2011, la HAS a établi des règles de bon usage, rappelant que les bandes à allongement long ou les bandages multiples n’ont pas leur place (1). La compression doit être effectuée par des bandages multicouches mais monotypes, à allongement court (avec un capitonnage sous les bandes) maintenus 24h/24h pendant 1 à 4 semaines. L’apprentissage du bandage des membres devra être transmis au patient. Ce traitement intensif réduit la portion liquidienne du lymphœdème, soit en moyenne 30 à 40 % du volume global. Il sera suivi d’une phase d’entretien, avec une compression élastique dans la journée et des bandages monotypes peu élastiques la nuit, sans oublier les exercices physiques et les soins de peau. La perte pondérale est un élément essentiel de la prise en charge.
La compression élastique est un complément indispensable pour maintenir le bénéfice des bandages et stabiliser le lymphœdème. Elle doit être faite sur mesure, assurant une pression de classe 3 ou 4 (plus facile à mettre en superposant deux dispositifs). On préférera les bas voire les collants que les chaussettes, en évitant les dispositifs laissant pied et main libres, ce qui risque de provoquer à ce niveau des vésicules lymphatiques avec des écoulements.
Le DLM (drainage lymphatique manuel) n’a pas d’indication en première intention et, utilisé seul, il n’a jamais montré aucune efficacité sur le volume du LO.
Communication du Dr Stéphane Vignes, Unité de Lymphologie, Hôpital Cognacq-Jay
(1) https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2010-12/fi…
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