Médecin légiste, membre du courant orthodoxe du Mouvement 5étoiles (M5s), Giulia Grillo est la nouvelle ministre de la Santé italienne. Âgée de quarante-trois ans, cette blonde au visage poupin et au regard sombre comme les eaux froides de la Manche porte le même patronyme que le fondateur du M5s, le comique Beppe Grillo, mais n’a aucune parenté avec lui.
C'est en 2006, au détour d’un meeting que, tel l’apôtre Paul entendant le Christ sur la route de Damas, Giulia Grillo a été foudroyée par les idées de Beppe Grillo. Cette Sicilienne née à Catane en 1975, jette immédiatement aux orties sa blouse blanche et son credo politique d'alors et décide de se mettre au service du pays pour changer la face d’une Italie qui ne lui plaît pas. Pendant deux ans, elle fréquente les fameux meet-up du mouvement pour comprendre les rouages de la machine politique du parti de Beppe Grillo et se tisse un réseau de relations solides.
Échec électoral et écart de langage
En 2008, Giulia Grillo se lance dans la bataille en se présentant aux élections régionales siciliennes. C’est un échec, les électeurs ne voulant pas lui faire confiance. La future ministre tourne rapidement la page sur cette défaite. Pendant cinq ans, elle peaufine son discours, élargit son cercle de relations et parcourt les routes de la Sicile serrant les mains, promettant de changer le monde et d’envoyer à la casse la classe politique qui gouverne le pays.
Un discours identique à celui de son ennemi juré, le démocrate Matteo Renzi. On est en février 2013, les Italiens sont appelés aux urnes dans le cadre des élections générales. Cette année-là, le M5s remporte son premier succès électoral à l’échelle nationale. Avec 25,5 % de suffrages, il devient le premier parti politique du pays. La future ministre de la Santé fait partie de l’armada de députés qui franchit les portes du parlement. La deuxième vie de Giulia Grillo vient de commencer.
Tout en combattant âprement le gouvernement de coalition formé par les centristes et les démocrates, la jeune femme fréquente assidûment les cercles des parlementaires à cinq étoiles. Avec son compagnon, bien sûr inscrit au Mouvement, Giulia Grillo enchaîne les réunions politiques, les cocktails politiques, les diners politiques et les week-ends politiques. Elle peaufine encore plus son discours et surtout, son carnet d’adresses. On la dit rigoureuse et éloignée du cercle étroit de Luigi Di Maio, le patron du M5s au physique de jeune premier des années trente, sourire Colgate et mise toujours impeccable, qui a pris la succession de à Beppe Grillo à la tête du mouvement en 2017.
Mais il tolère ses écarts de langage comme dans ce tweet plutôt raciste qu’elle publie durant l’été 2014 : « Arrivée à la gare de Florence, on a l’impression d’être en Afrique. Saleté et contexte dégradé, voilà le développement qui plaît à Renzi ». Les associations contre le racisme réagissent immédiatement. Le Mouvement en revanche ne réagit pas, au contraire, les députés défendent la jeune femme. Pour faire oublier cette gaffe, Giulia Grillo redouble d’efforts au parlement.
Combat parlementaire pour le système de soins
Elle se bat contre les coupes budgétaires, accuse les chefs de gouvernement, les démocrates Enrico Letta puis Matteo Renzi, de vouloir démanteler la santé et appauvrir le niveau des soins en Italie. Elle soutient les mouvements de grève des médecins et des paramédicaux, présente une motion sur le rétablissement du turn-over aboli par les réductions budgétaires. Elle accuse aussi les grandes industries pharmaceutiques de vouloir s’enrichir sur le dos des patients et de la Sécurité sociale et réclame la mise en place de barèmes pour les médicaments pour les traitements lourds.
Sur la question des listes d’attente, l’une des sept grandes plaies du système sanitaire italien, Giulia Grillo lutte pour la réduction des délais et la réorganisation des systèmes de réservations. Partisane d’une remise à plat du système public qu’elle qualifie d’affaibli par une gestion approximative, la jeune députée milite pour l’introduction de nouvelles règles afin de rendre le secteur public plus séduisant par rapport au privé.
Anti-obligation vaccinale
En ce qui concerne l’avortement, son discours est clair. Elle soutient l’application pleine de la loi adoptée en 1978 et critique le mouvement des objecteurs de conscience qui bloquent les IVG dans la plupart des structures hospitalières de la péninsule. Enfin, elle soutient le lancement de campagnes de sensibilisation sur la pilule du lendemain, la RU 486.
En revanche, sur la vaccination rendue obligatoire par son prédécesseur Beatrice Lorenzin en septembre 2017, son positionnement est plus subtil. Si elle reconnaît l'importance de la vaccination comme outil de prévention des épidémies, elle s'est farouchement opposée à l'obligation vaccinale, mesure jugée trop coercitive, préférant laisser le choix aux parents et multiplier les campagnes de sensibilisation.
Lorsqu’elle prend les commandes du ministère de la Santé, les pédiatres s’inquiètent en raison des positions du M5s contraire à la vaccination obligatoire. La page Facebook de Giulia Grillo est prise d’assaut, son compte twitter explose sous les messages. « Je rêve toutes les nuits qu’il faut résoudre le problème du manque de fonds dans la santé, nous penserons plus tard aux vaccins, mon objectif primordial est de travailler avec le ministère de l’Économie pour inverser la tendance et refinancer la Santé publique, c’est mon vœu le plus ardent », se défend Giulia Grillo. Tout en ajoutant, « le chapitre vaccins est inscrit dans le contrat signé par le M5s et la Ligue, nous y travaillerons avec tout le gouvernement ». Reculer pour mieux sauter ?
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