Accès aux soins : la Défenseure des droits entend démonter les discriminations envers les trans

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Publié le 18/06/2025
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Dans une décision-cadre publiée ce 17 juin 2025, Claire Hédon déplore « l’ampleur des discriminations » subies par les personnes transgenres. En matière de santé, les exigences sont « déraisonnables » dans leur parcours de transition.

Crédit photo : PHANIE

La Défenseure des droits (DDD), Claire Hédon, réitère dans une décision-cadre publiée ce 17 juin son appel au respect des droits des personnes transgenres. Elle dénonce « l'ampleur des discriminations » les visant dans l’emploi, l’administration, la scolarité mais aussi en matière de santé. « Dans un contexte de remise en question et de fragilisation des droits des personnes transgenres », l'autorité indépendante « entend réaffirmer l’importance du respect de l’identité de genre et rappeler le droit applicable », souligne-t-elle.

Les obstacles rencontrés par les trans dans la prise en charge des soins de transition sont connus. Plusieurs Cpam ont déjà été condamnées pour des refus de prise en charge. Un rapport remis en 2022 au ministère de la Santé pointait des parcours « semés d’embûches ». La DDD va dans le même sens. Malgré la dépsychiatrisation entamée en 2010, des personnes transgenres font encore « face à des exigences déraisonnables dans leur parcours de soins, en particulier en milieu hospitalier », lit-on.

Des « référents médicaux » pour lever les obstacles

Des discriminations sont observées dans la prise en charge de certaines chirurgies d’affirmation de genre. La Cnam a fait évoluer ses pratiques, une « avancée importante », souligne la DDD. La prise en charge financière des opérations mammaires et pelviennes n’est plus soumise à entente préalable pour les plus de 16 ans et doit être traitée directement par les Cpam, comme prévu dans la classification commune des actes médicaux (CCAM). Cette mesure s’accompagne du déploiement par la Cnam de référents médicaux dans chaque région pour résoudre les éventuelles difficultés.

En revanche, parce qu’ils sont prescrits hors autorisation de mise sur le marché (AMM) tant que le changement de mention de sexe à l’état civil n’est pas effectué, les traitements hormonaux ne sont pas toujours remboursés. La DDD a aussi été saisie après des refus de remboursement par les organismes de mutuelles et de prévoyance. À cela, s’ajoutent des difficultés pour consulter des endocrinologues formés, en raison d’une « offre trop limitée et mal répartie géographiquement », pointait le rapport de 2022. Les délais d’attente sont amplifiés par l’interdiction faite aux généralistes de primo-prescrire la testostérone.

Plusieurs recommandations sont émises : simplifier et uniformiser l’accès aux soins de transition ; élaborer des fiches pratiques pour les professionnels ; mener une réflexion sur un remboursement des soins en dehors d’une ALD ; envisager la prise en charge des traitements hormonaux prescrits hors AMM ; ou encore renforcer la place et le rôle des MG dans la prise en charge globale des transgenres.

Au-delà de la transition, c’est l’accès global aux soins des personnes trans qui est entravé. Certaines finissent « par s’automédiquer et se procurer des hormones artisanales », alerte la DDD. La prise en charge de certains actes dits « sexo-spécifiques » peut être difficile à obtenir. C’est le cas lorsqu’un homme trans doit réaliser des examens de dépistage du cancer du col de l’utérus, et une femme trans du cancer de la prostate. Pour lever ces freins, la DDD plaide pour une « stratégie nationale de prévention et de lutte contre les discriminations dans les soins ». Et préconise de « faciliter les recours des patients en rendant plus accessible le dépôt de plainte devant les ordres professionnels et l’Assurance-maladie et d’appliquer des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives ».

Pour un protocole national pour les mineurs

La transition des mineurs est également abordée. En France, comme ailleurs en Europe, les demandes sont en hausse, mais « demeurent rares », est-il relevé. « Sur près de 1 600 jeunes transgenres reçus par les endocrinologues en France en 10 ans, 50 % sont sans traitement médical », rapporte une étude de la Société française d'endocrinologie et de diabétologie pédiatrique (SFEDP) de 2024.

La DDD rappelle que les bloqueurs de puberté prescrits aux mineurs sont bien réversibles. Alors qu’ils sont déjà utilisés chez les enfants à la puberté précoce (hors parcours de transition), « la littérature scientifique atteste depuis près de 40 ans du caractère réversible de leur action avec une reprise physiologique de la puberté à leur arrêt », est-il rappelé. Pour cadrer les prises en charge, sont préconisés la rédaction d’un protocole national s’appuyant sur les recommandations de la SFEDP et le développement de la recherche, ainsi que la documentation des trajectoires, des effets des traitements, du devenir et de la qualité de vie.

Des droits sexuels et reproductifs souvent entravés

Le dernier point abordé en matière de santé concerne les droits sexuels et reproductifs. Malgré l’adoption d’un décret en 2022 ouvrant l’autoconservation des gamètes aux personnes transgenres, « de nombreux obstacles subsistent », est-il constaté, à commencer par le manque d’information. Cette dernière est à « systématiser » avant tout début d’hormonothérapie. Quant à la restriction d’accès à l’assistance médicale à la procréation, la DDD appelle à une modification des textes législatifs et réglementaires pour aboutir à un cadre « valable à la fois pour les personnes transgenres et cisgenres ».

Alors que la Haute Autorité de santé (HAS) a entamé, à la suite d’une saisine du ministère en 2021, une révision des recommandations sur les parcours de transition, plusieurs propositions de la DDD, comme la levée de l’interdiction de primo prescription de la testostérone par les généralistes, pourraient être reprises. Mais la formation des professionnels de santé reste un levier essentiel contre les discriminations.


Source : lequotidiendumedecin.fr