La douleur
neuropathique est par définition secondaire à une lésion ou une maladie affectant le système neurosensoriel. Périphérique, elle concerne les territoires d’un plexus, d’une racine ou d’un tronc nerveux ou survient dans le cadre d’une polyneuropathie.
Le diagnostic est essentiellement clinique. « Aucune caractéristique de la douleur prise isolément n’est spécifique d’une origine neuropathique. Ce qui est spécifique, c’est certaines associations de symptômes », précise le Pr Nadine Attal, algologue, Hôpital Ambroise Paré. La topographie et l’anamnèse peuvent orienter vers l’étiologie : une lésion nerveuse post-traumatique, chirurgicale, rhumatologique (sciatique…) infectieuse (zona, VIH) ou une maladie (diabète, cancer, hypothyroïdie, maladie de système…). Ailleurs, les outils de dépistage validés affirment la nature neuropathique de la douleur. Le DN4 (1) très utilisé est sensible (82,8 %) et très spécifique (90 %). Le test diagnostic est positif si le score (aux 7 items d’interrogatoire et 3 items d’examen clinique cotés 0 ou 1) est supérieur ou égal à 4/10. « L’examen clinique recherche dans le territoire de la douleur un déficit sensitif au tact, à la piqûre, au chaud, au froid, un déficit moteur, ou une allodynie notamment au tact ou au froid. Aucun examen complémentaire n’est nécessaire au diagnostic de douleur neuropathique, mais certains examens aident au diagnostic lésionnel. D’interprétation parfois piégeuse (comme l’électromyogramme qui peut être normal dans certaines neuropathies et inversement altéré chez un diabétique en l’absence de douleur neuropathique), ils ne doivent pas retarder le traitement », remarque le Pr Attal.
Des mécanismes périphériques spécifiques ont été décrits, notamment les décharges ectopiques (avec activité spontanée anormale ou réponse anormale à différentes stimulations) liées à des modifications d’expression des canaux sodiques. Ces mécanismes génèrent secondairement des mécanismes centraux très complexes. La relative spécificité de ces mécanismes explique pourquoi les recommandations thérapeutiques des douleurs neuropathiques diffèrent des celles appliquées aux douleurs inflammatoires.
« Les antalgiques usuels ne soulagent pas. La prise en charge de la douleur ne dépend ni de son étiologie ni de son intensité. Les paliers de l’OMS sont inapplicables : l’intensité de la douleur ne justifie pas la prescription d’opiacés. La prescription des traitements autres que topiques nécessite une titration : doses initiales faibles, augmentation par palier », rappelle le Pr Attal.
L’escalade thérapeutique
En première intention sont recommandés les antiépileptiques « gabapentinoïdes » (prégabaline – AMM large, ou gabapentine – AMM plus restreinte), les antidépresseurs tricycliques type amitriptyline (Laroxyl) « Ils imposent le respect des contre-indications et la prudence sur la posologie après 65 ans. Ils sont utiles même à faible dose et peu coûteux », précise le Pr Attal, les antidépresseurs inhibiteurs de recapture de la sérotonine et de la noradrénaline type duloxétine (AMM restreinte aux douleurs du diabète).
En deuxième intention les traitements topiques : emplâtres de lidocaïne (AMM dans les douleurs post-zostériennes), patchs de haute concentration en capsaïcine (Qutenza) (AMM dans la douleur neuropathique périphérique à l’exclusion du diabète ; prescription en hôpital de jour, effets prolongés 3 mois après l’application) et le tramadol.
Les opiacés forts posent des problèmes au long cours notamment pour les opiacés d’action rapide : risque d’addiction, d’abus, de mésusage chez certains patients. Ils sont à réserver en dernière intention, en éduquant les patients. « Les poussées douloureuses paroxystiques doivent être traitées en amont (antidépresseurs, antiépileptiques) ou éventuellement par l’association tramadol paracétamol », note le Pr Attal. Les opiacés d’action rapide (fentanyl transmuqueux) ne sont pas indiqués. En 2015, la SFEDT va publier des recommandations sur la prescription des opiacés dans la douleur chronique non cancéreuse.
Les techniques complémentaires non pharmacologiques peuvent aider et certaines ont des bénéfices établis à court terme, comme la stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS). La rééducation, les thérapies cognitives, le soutien psychologique sont bien souvent nécessaires.
(1) Bouhassira D et al. Pain 2005 ; 114(1-2) pp. 29-36
Article précédent
La kétamine à faibles doses pour les soins douloureux de l’enfant
Article suivant
Un nouvel outil de dépistage
Les prescriptions hors AMM en pédiatrie sont légion
La kétamine à faibles doses pour les soins douloureux de l’enfant
Les spécificités de la prise en charge
Un nouvel outil de dépistage
L’hospitalisation en Soins/Études peut être une réponse
Asseoir le diagnostic de lombalgie aiguë
Les raisons d’un cercle vicieux
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature