Douleur chronique et déclin cognitif

Les raisons d’un cercle vicieux

Publié le 12/03/2015
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Douleur chronique ou cognition : le cerveau mobilise les mêmes aires

Douleur chronique ou cognition : le cerveau mobilise les mêmes aires
Crédit photo : PHANIE

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l’avance en âge, les douleurs sont fréquentes liées au vieillissement physiologique, l’arthrose en tête. Aucun traitement ne pouvant empêcher sa progression, les douleurs s’amplifient, parfois même après la chirurgie prothétique. Les pathologies intercurrentes au fil des ans apportent également leur lot de douleurs, une intervention chirurgicale banale, un cancer (douleurs de la compression et iatrogènes, chirurgie, radio et chimiothérapie), des douleurs neuropathiques (diabète, zona ou suites de chirurgie), des douleurs centrales consécutives à un accident vasculaire cérébral ou une maladie de Parkinson.

Au stade de la douleur chronique, 3 à 6 mois d’une douleur qui ne cède pas, les patients ont déjà consulté le médecin à plusieurs reprises, reçu des antalgiques de palier 2 plus ou moins efficaces sur leur douleur. Débute alors un mal-être qui se traduit par une anxiété, voire une dépression. La douleur empêche les sorties, isole, rend dépendant. Le traitement participe à ce mal-être, vertiges et instabilité à l’appui.

Peu à peu, s’installe parfois une « kinésiophobie ». Les conditions de survenue de troubles de l’humeur sont réunies, de façon masquée au moins au début, dans la mesure où la douleur prend toute la place. Troubles de la mémoire, perte de la vigilance, réactions émoussées, insensiblement les troubles cognitifs gagnent du terrain…

Les mêmes aires cérébrales mobilisées

À cela, plusieurs raisons. Qu’il s’agisse d’une douleur chronique ou de cognition, le cerveau mobilise les mêmes aires, le cortex préfrontal en particulier, souvent au détriment de la cognition, en proportions variables selon les individus toutefois. « Par ailleurs, les effets sur la cognition des antalgiques, pourtant indispensables pour alléger la douleur, sont encore très mal connus, ainsi que sur la persistance de ces troubles au décours de l’épisode douloureux », regrette le Dr Gisèle Pickering, gériatre et spécialiste de la douleur (Centre de pharmacologie clinique au CHU de Clermont-Ferrand). Une étude menée chez des patients souffrant de douleurs post-zostériennes comparativement à des sujets contrôles indemnes de douleur neuropathique montre que « l’association douleur et médicaments antalgiques (y compris antidépresseurs), accroît les troubles cognitifs sans que l’on puisse incriminer aujourd’hui tel ou tel médicament », observe-t-elle. Un handicap qui diminue leur capacité à prendre des décisions, aussi petites soient-elles, qui rabote leur mémoire sémantique.

Quant à la morphine, elle peut perturber la cognition (vigilance et mémorisation) chez les personnes modérément douloureuses (lombalgies par exemple). À l’inverse, lorsque la douleur est plus envahissante et sévère (cancer), la morphine améliore les capacités cognitives. « La morphine doit donc être utilisée à bon escient, prévient-elle, d’autant que l’on connaît mal ses effets à long terme, chez la personne âgée surtout, qui évolue dans un contexte psycho-social parfois difficile, affectée par des deuils, isolée, et dont les comorbidités supposent une polymédication et par conséquent un risque accru d’interactions médicamenteuses. »

Dr Brigitte Blond

Source : Le Quotidien du Médecin: 9394