Au onzième jour du procès des surirradiés d’Épinal, le Dr Jean-François Sztermer, 64 ans a présenté mardi aux victimes de l’accident de radiothérapie « toutes (ses) excuses » pour ce drame qui a « bouleversé » sa vie. L’autre radiothérapeute prévenu, le Dr Michel Aubertel, 62 ans a pour sa part confié avoir « constamment à l’esprit la douleur des patients » depuis « cet événement catastrophique ». Ce dernier s’est notamment reproché « de ne pas avoir suffisamment prévenu les médecins spécialistes » de la survenue des deux accidents de radiothérapie à l’hôpital Jean-Monnet d’Épinal entre 2001 et 2006. « Une déclaration précoce aurait permis d’éviter des gestes inutiles, voire toxiques » pratiqués sur des patients ignorant leur surirradiation, a reconnu le Dr Aubertel. Poursuivi comme les deux radiothérapeutes pour homicides, blessures involontaires et non-assistance à personne en danger, le radiophysicien de l’établissement Joshua Anah a déclaré au tribunal correctionnel de Paris « porter sur la conscience que des gens venus se faire soigner soient ressortis plus malades ».
Quelles responsabilités ?
Au-delà des regrets, les deux radiothérapeutes et le radiophysicien se sont renvoyés la balle des responsabilités au cours de l’audience. Après la déclaration en 2005 du premier accident de surirradiation et l’enquête de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), les trois professionnels ne feront pas état à l’administration de leur découverte en 2006 du second dysfonctionnement ayant infligé des surdoses à 424 patients. « Il n’est pas de la responsabilité du radiophysicien de faire ces déclarations », a estimé Joshua Anah. « Après que nous ayons évoqué le sujet, monsieur Anah avait dit qu’il ferait la déclaration », conteste pour sa part le Dr Aubertel. Les deux médecins et le radiophysiciens se sont également rejeté la responsabilité d’avoir fait disparaître des documents des dossiers patients attestant du second dysfonctionnement.
Laxisme des autorités sanitaires
Lundi, les juges ont tenté de comprendre pourquoi Francette Meynard, ancienne directrice de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) des Vosges et Jacques Sans, ancien directeur de l’Agence régionale de Lorraine n’avaient pas mis en œuvre de suivi étroit des victimes après avoir été alertés en 2005 du premier accident de radiothérapie à l’hôpital Jean-Monnet d’Épinal. Avant juin 2006, ni la DDASS, ni l’ARH ne se préoccupent de vérifier si le premier groupe de patients surirradiés à 20 % et leurs médecins traitants sont comme prévu, informés de l’accident et pris en charge.
Mercredi, avant le début des plaidoiries des parties civiles, Philippe Stäbler, président de l’Association des victimes de surirradiation de l’hôpital d’Epinal (AVSHE) a tiré un bilan mitigé des débats de ces trois premières semaines, regrettant l’absence « d’explications claires » de la part des trois principaux prévenus. « Les équipements de radiothérapie ne sont pas en cause », mais « plutôt l’utilisation qui en était faite et le mode de fonctionnement du service de radiothérapie qui posaient problème », a affirmé Philippe Stäbler. Aux yeux de l’association, c’est d’abord un « désir de briller », en expérimentant certaines techniques de radiothérapie qui est à l’origine de cette catastrophe de santé publique. « C’est cet orgueil qui a conduit l’équipe restreinte des médecins et du seul radiophysicien du service de radiothérapie de l’hôpital d’Epinal (…) à mener une course à la gloire, sans aucune précaution, sans aucune garantie, sans aucune sécurité », considère Philippe Stäbler.
L’ensemble des prévenus connaîtra mardi prochain, les réquisitions du ministère public à l’issue des plaidoiries des parties civiles qui doivent s’achever lundi.
Voir aussi notre dossier sur le procès des surirradiés d’Epinal.
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