Les allergies touchent environ 18 millions de Français, soit près d’une personne sur trois et elles croissent de façon exponentielle. D’ici à 2040, la moitié de la population française pourrait être touchée. « S’il y a bien une spécialité qui est affectée par l’environnement c’est l’allergologie. Au fil des années, on voit les maladies allergiques (respiratoires, alimentaires, cutanées…) augmenter. On pressent bien que ces modifications rapides ne sont pas liées à des modifications génétiques, mais environnementales, à tous les niveaux : domestique, extérieur (pollens, polluants atmosphériques…), scolaire, professionnel, alimentaire…, explique le Pr Alain Didier, justifiant ainsi le choix du fil rouge du congrès « Allergies et environnement ». Les patients allergiques sont les sentinelles de l’environnement. »
Les allergies affectent la santé des générations actuelles, mais aussi futures. L’importance de l’environnement microbien au cours des premiers mois de la vie sur le développement des allergies a été montrée, ainsi que son influence sur l’épigénétique. « Nous sommes à la croisée des chemins. Nous avons fait le constat que les allergies augmentaient et de nombreuses études ont prouvé le lien entre leur développement et le changement environnemental. Les mécanismes complexes qui les unissent sont aussi mieux compris. Ainsi, de l’empirisme et de l’observation, nous sommes passés à une connaissance mécanistique, il reste maintenant à mettre en place une stratégie préventive », souligne le Pr Didier.
D’importants progrès diagnostiques et thérapeutiques
De nombreux progrès ont été accomplis et ils permettent une plus grande précision et personnalisation des tests et des traitements. « Une des grandes avancées diagnostique est le recours aux allergènes moléculaires qui permet la recherche de la protéine spécifique en cause dans la réaction allergique. Cela contribue à affiner la prise en charge du patient chez lequel on détecte la présence d’anticorps IgE contre un ou plusieurs de ces allergènes moléculaires. En connaissant les protéines spécifiquement impliquées dans l’allergie d’un patient, on peut mieux la traiter et prescrire une immunothérapie adaptée à ses besoins », souligne le Pr Didier.
La désensibilisation, ou immunothérapie allergénique, est aujourd’hui un outil essentiel dans l’arsenal thérapeutique des allergies respiratoires ; elle est en développement pour les allergies alimentaires.
Dans l’asthme et la dermatite atopique, l’arrivée des biothérapies a également changé la donne pour les patients atteints de formes sévères.
Un Plan quinquennal de lutte
Mais l’approche préventive est aujourd’hui essentielle pour faire face à cette explosion des allergies. Un collectif, composé des principaux syndicats d’allergologues, d’associations de patients allergiques et de la SFA, a élaboré un « Plan quinquennal de lutte contre les allergies », afin de promouvoir une approche plus préventive et transversale des politiques publiques et proposer des pistes d’actions concrètes.
Afin d’assurer la poursuite des objectifs à cinq ans fixés dans ce plan, la mise en place d’un Observatoire de la lutte contre les allergies en France est notamment recommandée.
La démographie actuelle des allergologues ne permet pas de répondre aux défis posés par l’explosion des pathologies allergiques. Il existe un déséquilibre, qui s’aggrave en raison du vieillissement de la population des spécialistes en exercice.
La création, en 2017, du diplôme d’études spécialisées (DES) d’allergologie en formation initiale a été un point positif dans la reconnaissance de l’allergologie et le rajeunissement de la population des allergologues. Toutefois, le nombre de praticiens formés (moins de 30 par an finissant à partir de 2021) est insuffisant pour assurer le renouvellement de la profession.
L’allergologie se situant au carrefour de nombreuses disciplines, il faut s’appuyer sur les spécialités connexes.
Dans le Plan, il est proposé de privilégier la consultation d’allergologues pour le traitement des allergies sévères et d’encourager la prise en charge des allergies plus simples par d’autres médecins spécialistes et de mieux former les professionnels de santé de première ligne (médecins généralistes, pharmaciens…).
Il faut renforcer la coordination des professionnels de santé et l’organisation des soins pour assurer aux patients une prise en charge plus rapide. Il faut enfin promouvoir l’information du grand public car l’allergie reste encore souvent une pathologie mal connue et banalisée.
Exergue : Le recours aux allergènes moléculaires permet la recherche de la protéine spécifique en cause dans la réaction allergique
Entretien avec le Pr Alain Didier, pneumologue, CHU de Toulouse, Président de la SFA
Article suivant
Les risques environnementaux autour de la naissance
Il est urgent de mettre en place une stratégie préventive
Les risques environnementaux autour de la naissance
Prévenir l’allergie alimentaire du jeune enfant
Allergie au vaccin Covid : rassurer
Nouvelles étiologies des asthmes professionnels
Les moisissures, à l’extérieur aussi
Les facteurs de risque d’anaphylaxie
Quand l’antiseptique pique
Le climat change, les pollens s’envolent
Les SMS du congrès CFA 2022
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?