Par Jeanne Poma
Mes mains tremblent, ce ne sont plus que des bouts de chairs rachitiques qui remuent en saccades.
– Martin, vous êtes mon patient, vous allez faire ce que je vous dis !
Le souffle me manque.
– Vous allez venir avec moi !
Ma voix s’élève de plus en plus haut me laissant à peine le temps de respirer.
Pour protéger Martin, la cruche à ses côtés s’approche de moi. Sa voix se veut douce et mielleuse mais je sais qu’elle veut juste me tenir éloignée de son petit protégé, Martin, mon patient.
Tout à coup, un flux d’énergie propulse mes bras. Décuplé, il pousse dans mes muscles et dans mes articulations. Pas besoin de réfléchir pour sentir mes membres se mouvoir et projeter d’un coup toute cette force contre sa poitrine. Laisser s’écraser toute cette vitalité contre son corps. Mon geste est enfantin mais je n’ai plus le choix. Je dois pousser, me débattre.
Un bref coup d’œil à Martin, il semble déçu. Son visage si beau remue de gauche à droite pendant qu’il fixe le sol. Il devrait pourtant me comprendre. Pourquoi réagit-il comme ça ?
Soudain, quelque chose me démange dans mon cou, une piqûre très fine, délicate. Je porte ma main à mon cou, je déglutis. Les sons m’abandonnent, les visages se déforment et s’allongent doucement. Je vacille, mes jambes sont légères, comme de la ouate.
Puis le blanc laisse la place au noir. Je sombre…
Quelques heures ou quelques minutes…
Du bout de mes doigts, je tâte une épaisse couverture… Sur ma peau, un tissu aussi fin que du papier, on dirait une chemise d’hôpital. Je suis si lourde. Mes muscles réagissent à peine. Mes paupières s’ouvrent péniblement, je suis dans un lit. Je ne comprends pas. Un lit épais dans une petite chambre blanche. Un goût de métal dans ma bouche.
Dans un soupir, je sombre à nouveau, la sensation est si douce.
Quand j’ouvre les yeux, le jour est déjà tombé depuis un moment. Mes idées sont troubles mais je suis bien dans un lit, un lit d’hôpital. Je reconnais l’immense fenêtre, les couleurs grises des murs et cette odeur si familière.
J’essaye de me redresser mais mes bras sont trop faibles. Quand ai-je mangé pour la dernière fois ? Et comment suis-je arrivée là ?
Un léger toussotement, je relève la tête et il est là, assis sur une chaise à deux mètres de moi.
Martin…
– Je… qu’est-ce que…
Les mots sortent péniblement de ma bouche.
– Ne vous inquiétez pas mademoiselle Lacau, je suis là… Détendez-vous…
– Mais que se passe-t-il ? Pourquoi suis-je dans un lit d’hôpital et vous… et vous vous êtes… là… à jouer les médecins ?
Je fais semblant de me relever mais il vient s’asseoir à mes côtés et pose une main sur mon épaule. Sa respiration est apaisante.
– Calmez-vous mademoiselle… Restez allongée… Respirez calmement… Savez-vous où nous sommes ?
– Oui, oui… Je suis à la clinique mais… mais je ne comprends pas…
– Vous ne vous souvenez de rien ?
– Je… si… non…
Un léger tressautement sur ses lèvres.
– Vous avez eu une crise. Dans la cafétéria, ce midi.
Sa voix est douce et rassurante mais je ne saisis pas. Ce lit, cette chambre…
– Une crise ? Comment ça une crise ? Qu’est-ce que vous voulez dire ?
– Une crise de paranoïa… Ce n’est pas la première fois… Je suis le docteur Ginlois, vous vous souvenez de moi ?
– Le docteur Ginlois… Mais qu’est-ce que vous racontez… C’est moi votre médecin !
Avec la collaboration de
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