Maladie inflammatoire chronique liée aux IgE, la polypose nasosinusienne (PNS) affecterait 4 % de la population générale (60 % d’hommes) ; elle est bénigne mais parfois très gênante, grevée d’un risque important de récidives. Elle peut être isolée ou associée à une autre pathologie, en particulier l’allergie, puisqu’on retrouve 1,5 % de PNS dans la population allergique mais 30 % d’allergie dans les PNS ; il faut rechercher une intolérance à l’aspirine et aux sulfites. Elle peut coexister avec l’asthme, en particulier dans le syndrome de Widal (PNS, asthme et intolérance à l’aspirine), qui représenterait 10 % des PNS.
« La PNS peut altérer notablement la qualité de vie par l’obstruction nasale, l’anosmie – ce qu’il faut évaluer d’emblée – ainsi que la fréquence du recours aux corticoïdes », insiste la Dr André Coste, (ORL à l'hôpital Henri Mondor). Les polypes, généralement bilatéraux, sont visibles à l’endoscopie ; le scanner explore l’extension sinusienne.
Priorité au traitement médical
Le schéma thérapeutique n’a guère changé. Le traitement de première ligne est médical, avec des stéroïdes locaux précédés par des lavages de nez. Son efficacité est démontrée, et on l’associera à des cures courtes répétées de corticoïdes oraux si la polypose est invalidante ou résiste au traitement local. « On a encore la main trop leste sur les antibiotiques, alors qu’ils doivent être réservés aux surinfections avec dans ce cas, une prescription d’amoxicilline, avec ou sans acide clavulanique », rappelle l’ORL. Quelques-uns prônaient des macrolides au long cours à faible dose, au prix d’effets indésirables certains, alors qu’on n’a pas prouvé leur effet sur les polypes ni sur la symptomatologie.
Il faut savoir attendre au moins 3 à 4 mois pour apprécier les résultats du traitement, et bien peser les indications chirurgicales. Deux techniques peuvent être envisagées : la polypectomie avec libération des fosses nasales et des méats, susceptible de complications rares (épistaxis) ou, plus complexe, l’ethmoïdectomie avec évidemment des sinus et aux complications exceptionnelles mais potentiellement graves (oculaires ou cérébroméningées). Aucune étude n’a permis de les comparer directement, mais on ne dispose d’aucun argument en faveur de la supériorité d’un geste chirurgical plus étendu. L’ethmoïdectomie connaît aussi un large taux de récidive (40 % des patients dans les 18 mois, selon une étude de 2016) et une efficacité comparable à 3 ans sur la fonction nasale et la taille des polypes. Le choix se discute avec le patient en fonction de l’extension des polypes.
Vers des thérapies ciblées ?
Une petite révolution pourrait venir des thérapies visant spécifiquement les IgE ou les interleukines. Ainsi, l’omalizumab, qui cible les Ig E, les anti-Il5 (mepolizumab, reslizumab, benralizumab), ou le dupilumab (anti Il4/Il13). Ces anticorps monoclonaux ont (ou auront) l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans l’asthme modéré à sévère mal contrôlé (ainsi que dans la dermatite atopique pour le dupilumab). Diverses études ont montré qu’ils diminuent significativement la taille des polypes, le recours à la chirurgie et la sévérité des symptômes. Mais il s’agit actuellement de médicaments d’exception (à prescription spécifique), coûteux (de 179 à 355 € par ampoule pour l’omalizumab jusqu’à 2000 € pour le benralizumab !) et on imagine mal comment ils auraient l’AMM dans la polypose. « Néanmoins, une PNS invalidante pourrait être un argument de plus pour discuter avec le pneumologue de l’instauration d’une thérapie ciblée en cas d’association à un asthme sévère », note la Dr Émilie Béquignon (hôpital Henri Mondor).
Session « La polypose naso-sinusienne : des avancées de la recherche à la pratique : quelles thérapeutiques pour l’ORL en 2019 ? »
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