LE QUOTIDIEN : Qu’apporte cette nouvelle version du livret de dépistage ?
Nous avons élaboré ce guide avec les sociétés savantes en nous inspirant des retours d’expérience des médecins sur la première version. Notre objectif est qu’ils s’en saisissent davantage : les collègues médecins doivent prendre le temps de dépister les écarts de développement chez les enfants, cela permet d’inverser des parcours de vies ! Un petit repéré précocement n’ira pas forcément en foyer d’accueil médicalisé (FAM), en maison d’accueil spécialisée (MAS), ou en institut médico-éducatif (IME).
Nous avons maintenu les cinq domaines de développement à prendre en compte : les motricités globale et fine, le langage, la socialisation, et à partir de 48 mois, la cognition. Les critères d’adressage à une plateforme de coordination et d’orientation (PCO) sont identiques : au moins deux signes dans au moins deux domaines pour les 0-3 ans, et trois signes dans au moins deux domaines pour la tranche 4- 6 ans.
Nous avons simplifié les facteurs de risque : nous avons regroupé les affections néonatales sévères et enlevé des items qui nécessitaient du matériel spécifique que les généralistes n’ont pas toujours en cabinet. Nous avons rajouté des items sur le dépistage des troubles neurovisuels (l’enfant cligne-t-il des yeux à l’approche d’un objet vers l’œil gauche ou droit entre 6 et 11 mois ?) et d’autres dédiés au trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) car les généralistes, psychiatres et pédopsychiatres sont encore moins sensibilisés à ce trouble qu’à l’autisme. Exemple : entre 48 à 59 mois, l’enfant parvient-il à se tenir tranquille et à rester assis quand c’est nécessaire (à table, à l’école…) pendant une durée adaptée au contexte ?
La validité des grilles d’examens a été précisée non plus en fonction d’un âge donné (6 mois par exemple) mais d’une amplitude d’âges (6 à 11 mois, 24 à 35 mois…), pour supprimer toute hésitation voire confusion sur la grille à utiliser.
Ce livret a été pensé pour être utilisé dans le cadre d’une consultation courante chez un généraliste ou un pédiatre. Mais les libéraux, face à un enfant à haut facteur de risque de TND (fratrie déjà touchée, grande prématurité, petit poids de naissance, exposition prénatale à un toxique ou un traitement médicamenteux, affection néonatale sévère, etc.), peuvent utiliser la tarification de la consultation longue créée par l’Assurance-maladie (60 euros).
La stratégie nationale TND fait de l’amélioration du repérage une priorité. Quels sont les outils à disposition des médecins ?
Dès le printemps, le carnet de santé papier va intégrer les grilles de repérage du livret aux différents âges (ce sera à la fin de l’année pour la version numérique). L’ensemble des TND est concerné, comme le veut la stratégie : autisme, TDAH, Dys et le trouble du développement intellectuel (TDI). Ces QCM sont rapides à remplir pour le médecin, qui peut ensuite orienter l’enfant vers une PCO en se basant sur un support précis, rigoureux, standardisé, conforme aux recommandations de bonnes pratiques. Ce ne sera plus une évaluation au doigt mouillé, faute de formation.
Couplé au livret, existe déjà un module de formation en ligne, via le site de l’Université numérique en santé et sport (Uness), qui permet à tous les internes d’améliorer leurs connaissances sur les TND. Nous travaillons à le diffuser davantage, en particulier aux étudiants en psychiatrie et pédopsychiatrie.
Où en est le déploiement des PCO ?
Les PCO permettent une prise en charge précoce, grâce à l’orientation immédiate vers des orthophonistes, des ergothérapeutes, des psychomotriciens, des psychologues pour que ces enfants compensent leurs difficultés et aient moins besoin d’une prise en charge institutionnelle à l’âge adulte. Pour les 0-6 ans, 112 PCO couvrent l’ensemble du territoire. Les PCO 7-12 ans se déploient progressivement, souvent adossées aux premières. Elles ont pour mission de dépister les troubles passés inaperçus avant, ceux du spectre autistique en cas de retard dans le diagnostic, et surtout le TDAH et les troubles Dys.
Les PCO sont encore mal connues. Plus largement, le parcours diagnostic des enfants avec TND doit être plus lisible. Dès 2024, nous voulons le simplifier dans la perspective du service public de repérage, auquel seront intégrées les PCO. Les structures expertes doivent se rapprocher, il n’y a rien de pire pour les parents de devoir frapper à différentes portes : ils doivent pouvoir trouver les réponses dans un même endroit, même si l’enfant cumule les troubles. Par ailleurs, nous travaillons à l’articulation entre les PCO et les professionnels de santé libéraux, confrontés à des problèmes de disponibilité.
Quels sont les autres chantiers de la délégation interministérielle ?
Le premier est de préciser les diagnostics des enfants placés en IME ; certains sont très évasifs. Cette stratégie de rattrapage diagnostique dans les établissements et services médico-sociaux doit démarrer dès 2024. Certains centres de ressources autisme ont déjà commencé à intervenir, comme celui de Toulouse, qui forme aussi les équipes aux TND. Par ailleurs, tous les nouveaux projets (transformation de l’offre, création de nouvelles places) doivent appliquer les recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé, auxquels l’ensemble des professionnels doit être formé. Charge aux agences régionales de santé de contrôler les établissements qui ne les respectent pas.
Les ressources en ligne
- Le guide « Livret de repérage » à télécharger en format « A imprimer » ou « A remplir de façon numérique »
- La liste des PCO avec leurs coordonnées pour adresser le guide en format papier ou numérique :
- Le livret à remettre aux parents si le médecin oriente l’enfant vers une PCO :
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