LE QUOTIDIEN : Pourquoi se pencher sur la langue dans laquelle on dit ses maux ?
PASCALINE FAURE : Les études sur la langue du médecin et son impact sur le patient sont très nombreuses, mais rares sont les travaux sur la langue du patient et sa compréhension par des soignants non natifs. J’ai souhaité mettre au jour les caractéristiques communes entre l’anglais et le français, qui peuvent simplifier l’apprentissage.
Ces langues ont en commun : des métaphores – le corps est une machine, nos systèmes sont des tubes – ; des métonymies – le lien entre les règles et le rouge, à l’origine d’expressions comme « j’ai mes coquelicots » ou « les Anglais ont débarqué » – ; des manières de tronquer des maladies vécues comme embarrassantes, par exemple gono pour gonorrhée ; ou des analogies, comme entre le malade et le chien (« malade comme un chien »).
Ces ponts existent-ils seulement entre l’anglais et le français ?
Non, cela fonctionne entre toutes les langues indo-européennes. On parle de métaphores conceptuelles, renvoyant à des expériences physiques humaines, comme celle associant la maladie à la position couchée : « j’ai été terrassé », « la grippe m’a cloué au lit », ou « je suis tombé malade ».
Vous consacrez une seconde intervention aux noms des marques de médicaments…
Il existe plus de 20 000 médicaments de marque sur le marché aux États-Unis. Au début, leurs noms s’inspiraient des plantes. Puis ils traduisaient le rôle du médicament. Aujourd’hui, ils ne veulent plus rien dire, mais ils portent un pouvoir phonosémantique : les sons évoquent des choses positives chez le patient. Le Quviviq, dernier somnifère sur le marché, est pensé par une équipe de linguistes et de spécialistes en marketing pour avoir un impact sur l’utilisateur. C’est d’autant plus stratégique outre-Atlantique que la publicité pour des médicaments vendus sur ordonnance est autorisée à la télévision.
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