Même en excluant les transports, les indemnités journalières et les hospitalisations, le coût des plaies chroniques en France atteint 965 millions d’euros par an ! La Haute autorité de santé (HAS) a émis depuis 2001 de nombreuses recommandations, qui restent encore trop souvent inappliquées. D’après une thèse de médecine générale, les médecins traitants prennent en charge en moyenne 21 ulcères de la jambe (UDJ) par an, 7 veineux et 14 mixtes... mais 63,5 % d’entre eux ne connaissent pas les recommandations de la HAS, dont plus de la moitié par manque de temps. « On peut être d’autant plus pessimiste que les indicateurs de la HAS, comme l’indice de qualité et de sécurité des soins (IQSS), ont suspendu la traçabilité des soins d’escarres pour les établissements de santé ayant une activité de médecine, chirurgie, obstétrique (MCO) ou de soins de suite et de réadaptation (SSR) », s’indigne la Dr Sylvie Meaume, dermatologue à l'hôpital Rothschild (Paris).
Aller au-delà de l'ulcère veineux
Cela va sans dire, mais la première étape clé d’une ulcération de la jambe est de fait son diagnostic étiologique. Ainsi, d’après une étude nationale prospective réalisée par le groupe d’angiodermatologie de la Société française de dermatologie, la biopsie systématique d’une plaie en l’absence d’amélioration après trois mois d’un traitement bien conduit diagnostique un cancer dans 10 % des cas. Un UDJ qui ne guérit pas doit être adressé à un spécialiste des plaies ou à un dermatologue.
L’exploration de l’état vasculaire artériel peut permettre de déceler une artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) sous l’ulcère dit « veineux », laquelle contre-indique la détersion et la compression. « Selon l’étude Eurodiale, la moitié des diabétiques souffrent d’artérite. Or sur ce terrain, la seule mesure de l’index de pression systolique (IPS) ne suffit pas au diagnostic ; 25% des diabétiques de type 2 (DT2) chez qui cette valeur est normale ont une AOMI, aussi l’IPS doit-il être complété par la palpation des pouls et la mesure de l’index orteil/bras, et l’on doit en référer à un spécialiste vasculaire en cas de doute », insiste le Pr José Luis Lázaro Martínez (chirurgie vasculaire, Madrid).
On note en revanche des progrès sur le nettoyage des plaies. « Le message sur le lavage à l’eau du robinet et au savon ainsi que sur la limitation de l’utilisation des antiseptiques locaux est bien passé », se félicite la Dr Meaume.
En ce qui concerne la détersion, indispensable pour prévenir l’infection et éviter le retard de cicatrisation, quelle que soit la technique employée, elle ne doit pas provoquer de saignements ni de douleurs. La douleur doit toujours être évaluée avant, pendant et après, et se gère par des antalgiques, des gels (xylocaïne, Emla), des protocoles oxygène-protoxyde d'azote (MEOPA) associés à des moyens non médicaux (hypnose, toucher/massage, musicothérapie…), voire une anesthésie générale si nécessaire.
Chaos dans les pansements
On constate encore trop d’erreurs avec les pansements. Ainsi, les recommandations de 2010 contre-indiquent l’association de pansements techniques, qui n’a aucun intérêt démontré à quelques exceptions près, comme dans le cas des plaies creuses ou des escarres associées à l’incontinence. Et si l’on veut utiliser à la fois un tulle et un autre pansement technique, un hydrocellulaire par exemple, ils existent maintenant sous forme combinée dans un même produit qui reviendra deux fois moins cher. Il n’y a pas d’indication non plus à superposer les pansements dans les UDJ très exsudatifs ; on leur préférera des pansements hydrocellulaires superabsorbants, associés à une compression pour les ulcères d’origine veineuse ou veinolymphatique et la surélévation de la jambe.
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