L’obésité n’est plus l’apanage des personnes vivant avec un diabète de type 2 (DT2). En effet, la prévalence des personnes diabétiques de type 1 (DT1) ayant également un IMC égal ou supérieur à 25 kg/m² est importante. Ce phénomène est observé dans tous les pays industrialisés, y compris en France. Une étude menée sur la cohorte française SFDT1 en témoigne, révélant une prévalence du surpoids et de l’obésité atteignant presque 50 %. Parmi les 2 367 sujets DT1 suivis, 48,9 % souffraient de surpoids ou d’obésité : 30,7 % avaient un IMC entre 25 et 29,9 et 18,5 % un IMC ≥ 30.
Des chiffres similaires à ceux observés en population générale : en 2020, 17 % de la population française était obèse, et 43 % avait un IMC d’au moins 25 kg/m². D’autres pays européens suivent cette tendance. En Espagne, par exemple, 18 % des adultes atteints de DT1 sont obèses ; en Belgique, ce chiffre est de 17 %, et en Allemagne, il est de 15,3 %.
Un surrisque avéré
Or l’analyse de la cohorte multicentrique française SFDT1 confirme que l’obésité est associée à un surrisque de maladies et d’événements cardiovasculaires et à une prévalence plus élevée de rétinopathie. La Dr Laurence Salle (CHU de Limoges), autrice principale de ce travail, observe « une augmentation de la proportion d’hypertension artérielle et de dyslipidémie chez les individus DT1 obèses. Quant au risque rénal, celui-ci augmente à cinq ans en fonction de la classe d’IMC, passant de 1,15 pour les individus de poids normal à 1,37 pour les personnes obèses. » La diabétologue constate également, et sans réelle surprise, une augmentation du risque cardiovasculaire associée aux différentes classes d’IMC. « Les niveaux de glycémie étant similaires dans toutes les catégories d’IMC chez les patients (bien que cela nécessite l’utilisation de méthodes d’administration d’insuline plus sophistiquées dans les tranches d’IMC les plus élevées), le contrôle glycémique ne suffit pas à expliquer ce risque cardiovasculaire accru plus l’IMC augmente », ajoute-t-elle.
Le contrôle glycémique ne suffit pas à expliquer l’effet surpoids
Dr Laurence Salle
Sur ce point, une récente étude fondée sur un registre suédois [Rawshani A, Nejm 2017] a constaté qu’en contrôlant les facteurs de risque habituels (pression artérielle, LDL-cholestérol, tabagisme) et le taux d’HbA1c, le risque d’infarctus du myocarde restait tout de même 82 % plus élevé que celui de la population générale.
L’émergence d’un concept
Prédire ce surrisque cardiovasculaire à cinq et dix ans selon la classe d’IMC était précisément l’objectif principal de l’étude conduite à partir de la cohorte SFDT1, au moyen du score ST1RE (Steno Type 1 Risk Engine, applicable uniquement chez les patients sans antécédents cardiovasculaires).
Le risque à cinq ans augmentait de 3,78 à 5,26 % entre les individus de poids normal et ceux souffrant d’obésité, et de 7,24 à 9,93 % à dix ans. « Le risque cardiovasculaire résiduel ne pouvant être complètement attribué à des facteurs tels que l’hypertension, la dyslipidémie et l’obésité, explique la Dr Salle, nous mettons en avant la notion de résistance à l’insuline, qu’il nous reste à approfondir en analyse multivariée. Car, dans le DT1, la déficience absolue en insuline, ou la dépendance à celle-ci, ne sont pas les seuls éléments en jeu ; la résistance à l’insuline joue également un rôle considérable, indépendamment de l’IMC. »
Ainsi, le concept de « double diabète », qui a émergé il y a déjà plusieurs années, met en lumière le fardeau supplémentaire engendré par cette résistance à l’insuline – facteur favorisant l’athérosclérose similaire à ce qui est rencontré dans le DT2. Autrement dit, l’obésité accroît les risques de complications macro- et microvasculaires du DT1, indépendamment du niveau d’HbA1c.
Peu de chirurgie bariatrique
Au vu de tous ces résultats, prendre en charge l’obésité est une nécessité dans le cadre du DT1. « Les données sur la chirurgie bariatrique dans le DT1 restent limitées, résume la Pr Hélène Hanaire (CHU de Toulouse), avec un effet certain sur la baisse de l’IMC et sur les doses d’insuline, mais mitigé sur l’HbA1c, d’après une méta-analyse parue en 2018 [Hussain A, Arch Endocrinol Metab] ou encore une étude parue en 2020 [Aminian A, Diabetes Care 2020]. » Une autre méta-analyse de dix études (84 patients inclus) avait aussi fait état d’une efficacité avérée sur la réduction des doses d’insuline, avec équilibre glycémique amélioré de -0,93 % d’HbA1c [Ashrafian H, Obes Surg. 2016].
Outre des résultats sur l’HbA1c peu convaincants, la réduction de l’IMC semble aussi moindre qu’en population générale (-11,04) et ce, au prix d’un risque élevé de complications métaboliques aiguës (acidocétoses, hypoglycémies sévères) en postopératoire [Landau Z, Ther Adv End Metab 2019].
Présentée lors du congrès de la SFD 2024 par la Pr Claire Carette (HEGP, Paris), une étude médico-économique menée à partir d’une extraction du SNDS par Bruno Detournay (publication en cours) a observé qu’entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2020, sur les 234 007 patients ayant subi une chirurgie bariatrique, la proportion de ceux atteints de DT1 est restée faible, avec 82 personnes en 2015 et 87 en 2018 (49 en 2020 en période Covid-19). Dans une sous-cohorte de 154 patients, chez lesquels les investigateurs disposaient de trois ans de suivi avant et après l’opération, ils ont constaté davantage d’hypoglycémies et d’acidocétose en postopératoire, ainsi qu’un surrisque d’événements aigus métaboliques.
Davantage de complications
La gestion des glycémies en post-chirurgie bariatrique est « particulièrement complexe du fait de la digestion et l’absorption rapide des glucides, explique la Pr Hanaire, avec des pics hyperglycémiques postprandiaux rapides et intenses, une augmentation rapide et importante des concentrations d’insuline. » L’accélération de la vidange gastrique requiert une adaptation de la cinétique des insulines et de diminuer les apports en glucides et de la résistance à l’insuline, pour réduire les besoins en insuline.
La gestion des glycémies est particulièrement complexe
Pr Hélène Hanaire
Plusieurs risques sont à surveiller, notamment celui d’hypoglycémies sévères, de syndrome de chasse (dumping syndrome) au resucrage, et d’acidocétose en cas de vomissements répétés. « Après la chirurgie, l’objectif pour les diabétologues est de personnaliser l’insulinothérapie afin qu’elle s’adapte au mieux aux besoins notamment postprandiaux, tout en limitant le risque d’hyperglycémie postprandiale précoce et d’hypoglycémie secondaire, poursuit la Pr Hanaire. Les moyens modernes de traitement du diabète, comme la boucle fermée, pourraient d’ailleurs contribuer à atteindre cet objectif de manière plus efficace. »
Bien que particulièrement complexe à gérer, la chirurgie bariatrique présente des bénéfices dans la population des personnes DT1. Selon quelques études cas-témoins [Höskuldsdóttir G, Diabetes Care 2020], elle améliore nettement la morbimortalité cardiovasculaire. Ainsi entraînerait-elle une réduction de 85 % des décès cardiovasculaires (HR = 0,15 [0,03-0,68]), de 82 % des AVC (HR = 0,18 [ 0,04-0,82]) et de 68 % de l’insuffisance cardiaque (HR = 0,32 [0,15-0,67]), par rapport aux non-opérés. Quant à la satisfaction des patients, elle semble au rendez-vous.
BariaOne, 50 % des patients satisfaits
L’étude BariaOne a inclus 67 patients (42 ans en moyenne, IMC > 40, 7,8% d’HbA1c ; ancienneté du diabète 21 ans), dont 40 ont eu une sleeve gastrectomie et 23 un bypass. Au cours des trente premiers jours suivant l’intervention, 3 % des patients ont présenté une acidocétose.
La perte de poids s’est élevée à 26 % à un an, 22,8 % à cinq ans. L’équilibre glycémique s’est amélioré à un an et cinq ans (HbA1c de 7,8 % à T0 ; 7,4 % 1A ; 7,5 % 5A), surtout pour ceux sous boucle fermée (8,1 à T0, 7,2 à 5A).
Selon les diabétologues, le diabète était plus facile à équilibrer dans la moitié des cas, mais plus difficile en périopératoire et à distance dans 15 % des cas. La moitié des patients étaient très satisfaits de leur équilibre glycémique. Au contraire, 20 % d’entre eux déploraient essentiellement des hypoglycémies postprandiales précoces et difficiles à corriger. De plus, 13 % des patients ont développé des troubles du comportement alimentaire. 71,6 % ont cependant signalé une amélioration de leur qualité de vie.
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