La douleur chronique neuropathique et inflammatoire résulte d’une sensibilisation périphérique, puis centrale des nocicepteurs mettant en jeu des interactions neuro-immunes entre neurones, cellules gliales et immunitaires. Ces interactions peuvent avoir des effets aggravants ou bénéfiques sur la douleur et l’inflammation qui s’équilibrent à l’état physiologique. La compréhension croissante de ces interactions entre les systèmes nerveux et immunitaires permet d’envisager de nombreuses cibles thérapeutiques potentielles.
Des alarmes environnementales
Les neurones périphériques ont été largement étudiés dans le contexte de leur fonction principale d'initiation du mouvement volontaire et involontaire, de la transmission de sensations et de l'induction d'une réponse comportementale appropriée, telle que le retrait pour éviter les lésions tissulaires ou le grattage pour éliminer les molécules irritantes. Plus récemment, des articles novateurs ont montré que, outre leur fonction principale de transmission du signal à la moelle épinière et au cerveau, les neurones périphériques (y compris les neurones afférents) pouvaient détecter directement les alarmes environnementales et ainsi réguler le développement de divers types de réponses immunitaires par le biais de la libération de neuropeptides ou de facteurs de croissance.
La peau, par exemple, est innervée par un réseau de neurones sensitifs nociceptifs dont la première fonction est la transmission de signaux de douleur et de prurit au système nerveux central (1). Cependant, des études très récentes ont montré que les nocicepteurs, en particulier pulmonaires par exemple, pouvaient également être de puissants régulateurs des systèmes immunitaires inflammatoires (2).
Un contrôle neuronal de la réponse immunitaire
Il est généralement admis que les nocicepteurs sont impliqués dans la physiopathologie de la dermatite atopique, principalement par le biais du déclenchement du prurit et du réflexe de grattage. En effet, on retrouve par exemple de grandes quantités du neuropeptide substance P dans le sérum des patients en comparaison à des sujets sains, le taux étant corrélé à la gravité clinique de la maladie. Le rôle précis des nocicepteurs dans cette physiopathologie n’est toutefois pas parfaitement élucidé.
Les travaux de N. Gaudenzio et al. démontrent que les nocicepteurs produisant la substance P forment des « unités neuro-immunes sensorielles » avec les mastocytes de la peau qui expriment le récepteur à la substance P (3). Ces unités sont capables de détecter la présence d’allergènes au niveau de la peau et de déclencher le développement d’un modèle de dermatite atopique.
On parle de « contrôle neuronal de la réponse immunitaire » dans des modèles expérimentaux comme l’asthme. Ce mécanisme semble ainsi également impliqué dans les pathologies inflammatoires de la peau comme la dermatite atopique. Ce type d’approche ouvre des perspectives thérapeutiques originales.
(1) LaMotte R H et al. Sensory neurons and circuits mediating itch. Nature reviews. Neuroscience 2014; 15, 19-31.
(2) Baral P et al. Nociceptor sensory neurons suppress neutrophil and gammadelta T cell responses in bacterial lung infections and lethal pneumonia. Nat Med 2018;24:417-426.
(3) Basso L et al. Peripheral neurons: Master regulators of skin and mucosal immune response. Eur J Immunol 2019;49:1984-1997.
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