La douleur est une sensation très subjective. Une même situation peut être ressentie comme extrêmement douloureuse par certaines personnes alors que d’autres la considéreront comme à peine douloureuse.
L'importance des relations sociales
Des travaux scientifiques ont établi à la fois une base théorique et des preuves empiriques solides d'un impact causal des relations sociales sur la santé. Les études prospectives qui contrôlent l'état de santé de base mettent systématiquement en évidence un risque accru de décès chez les personnes ayant des relations sociales peu nombreuses ou de mauvaise qualité (1). Des études expérimentales réalisées sur les humains et les animaux suggèrent également que l'isolement social est un facteur de risque majeur de mortalité due à des causes très diverses.
Une étude américaine publiée en 2008, qui a fait date, avait montré que les phénomènes des réseaux sociaux semblent pertinents pour le sevrage tabagique (2). Celui-ci se propage à travers les liens sociaux, et lorsque des groupes de personnes interconnectées cessent de fumer ensemble, les fumeurs sont socialement marginalisés (3). Ces travaux, puis d’autres, ont montré que les comportements en rapport avec la santé sont contagieux. Ceci concerne le tabagisme, mais aussi l’obésité, la dépression et la sensation de solitude. De même, les liens sociaux améliorent les symptômes dépressifs et l’intensité de la douleur chez les patients ayant des douleurs chroniques (4).
L'influence des informations descendantes
Un élément clé permettant de comprendre les interrelations entre la nociception et les facteurs sociaux découle de la nouvelle définition de la douleur, proposée en 2020 (5). La douleur est « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable » qui est « associée à (ou ressemblant à celle qui est associée à) une lésion tissulaire réelle ou potentielle ».
Selon cette définition, la douleur est une expérience personnelle influencée par notamment des facteurs psychologiques et sociaux. La nociception, activité nerveuse sensorielle ascendante, est donc différente de la douleur, sa perception consciente au niveau cortical, influencée par des informations descendantes (attention, stress, anxiété…).
Les informations descendantes peuvent être d’ordre tactile. Ainsi, lorsqu’un sujet ressent une douleur, par exemple thermique, s’il tient la main d’un partenaire romantique, le contact social réduit la sensation douloureuse et atténue la réponse corticale détectée par imagerie par résonance magnétique fonctionnelle. Cela n’est plus vrai si la personne qui ressent la douleur tient à la main un objet inerte comme une balle de caoutchouc (6). Voilà qui fait penser à la phrase de l’écrivain Haruki Murakami, « si la douleur est inévitable, la souffrance est optionnelle » (7) …
D'après la communication de la Dr Léonie Koban (Institut du Cerveau, Paris)
(1) House JS et al. Science 1988;241:540-5.
(2) Fowler JH, Christakis NA. BMJ 2008;337:a2338
(3) Koban L et al. Nat Commun2019;10:4096
(4) Lopez-Martinez AE et al. J Pain 2008;9:373-9
(5) Raja SN et al. Pain 2020 May 23;10.1097
(6) Lopez-Sola M et al. Pain 2019;160:2072-85.
(7) Murakami Haruki. Autoportrait de l'auteur en coureur de fond. Éditions Belfond 2009.
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