De quoi le droit à l’oubli est-il le nom ? Lancé en février 2014 par François Hollande, le 3e plan Cancer prévoyait son instauration pour les patients guéris d’un cancer. Dix-huit mois plus tard, ce droit va enfin être consacré. Entourée de Michel Sapin, ministre des finances, Marisol Touraine doit en effet signer, ce mercredi, un avenant modifiant la Convention AERAS avec Jean-Michel Belorgey, cheville ouvrière du dispositifi, en y intégrant ce fameux droit. Sans toutefois répondre complètement aux attentes que l’annonce présidentielle avait suscitées.
Le droit à l’oubli, c’est un combat que Céline Lis-Raoux (photo) à l’origine de Rose magazine, publication dédiée aux femmes victimes de cancer, mène depuis près de trois ans. « Entendre le président de la République reprendre nos mots (N.D.L.R. : le droit à l’oubli), c’était extraordinaire », confie-t-elle. Instaurer un tel droit impliquait de revoir la Convention pour faciliter l’accès à l’emprunt pour les personnes qui présentent un risque aggravé de santé (AERAS), texte qui régit les conditions auxquelles les personnes malades et handicapées peuvent accéder aux crédits immobiliers, aux crédits à la consommation ainsi qu’à l’assurance emprunteur.
Jusqu’à présent, les personnes guéries d’un cancer doivent déclarer cet antécédent médical dans les 20 ans suivant la fin des traitements. Tout l’enjeu de la négociation d’un avenant à la convention AERAS résidait dans la réduction de cette durée. En mars dernier, après plus d’un an de discussions entre pouvoirs publics, assureurs et associations, le protocole d’avenant était signé au siège de la Ligue contre le cancer. « Le droit à l’oubli se trouve enfin inscrit dans la réalité juridique (…) et libère les anciens malades d’un poids administratif, financier, bancaire et assurantiel », déclarait alors François Hollande.
Selon les termes du protocole, les jeunes avant l’âge de 15 ans bénéficieront d’un droit à l’oubli dès 5 ans après la fin des traitements. Les autres personnes se voient reconnaître le même droit mais seulement à partir de la 15e année après la fin des traitements. Autrement dit, elles « gagnent » 5 ans par rapport aux règles en vigueur actuellement. « Pourquoi attendre 15 ans si on est guéri », s’interroge Céline Lis-Raoux pour qui cette durée « ne veut rien dire ». Se référant aux données de l’Inca, elle souligne qu’un laps de temps compris entre 5 et 10 constitue « une info suffisante pour en déduire une guérison ». A ses yeux, devrait être instauré un « droit à l’oubli à 5 ans pour ceux (les cancers) ayant un bon pronostic, et 10 ans pour les autres ».
Distinguer les jeunes de moins de 15 ans des adultes, alors même que les taux de survie des premiers sont identiques à ceux des seconds pour certains cancers, confère à ce droit à l’oubli une dimension « compassionnelle » que Céline Lis-Raoux regrette amèrement. « On ne veut pas de la pitié », ajoute celle qui voit ce combat comme une lutte pour « l’égalité entre citoyens ». « On demande quelque chose de purement pragmatique et scientifique. » Selon les calculs de l’association Rose, le droit à l’oubli tel qu’il sera officialisé, demain, concernera donc 1 700 enfants. Quant aux 350 000 autres malades, ils devront donc patienter 15 ans après la fin de leur traitement.
Loin de se satisfaire de ce changement de la Convention AERAS, Céline Lis-Raoux reste mobilisée. Car, par précaution, la loi de santé prévoyait un article 46 bis pour consacrer ce droit à l’oubli en cas d’échec des négociations. Cette disposition existe toujours, alors que le texte arrive au Palais du Luxembourg le 14 septembre. À cette occasion, la présidente de Rose espère que les sénateurs, de droite comme de gauche, sauront se retrouver autour de ce « combat citoyen » pour faire du droit à l’oubli autre chose qu’une simple annonce politique et le définir dans des limites moins restrictives.
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