L'intelligence artificielle a le vent en poupe dans le domaine de la santé, elle a notamment fait ses preuves dans le diagnostic du mélanome. Le dépistage du cancer du col de l'utérus pourrait aussi en bénéficier. La société française Keen Eye, qui développe des solutions médicales basées sur des algorithmes d’intelligence artificielle, y travaille en partenariat avec les laboratoires Télécom ParisTech.
La solution qu'elle développe, appelée Keen Eye AI, s'appuie sur l'élaboration d'algorithmes permettant de distinguer de façon fine différents types cellulaires et anomalies afin d'aider au dépistage du cancer du col de l’utérus. Ce projet a été récompensé en 2017 par le concours d'innovation numérique organisé par Bpifrance et financé par le programme d’investissements d’avenir.
Un outil utilisable en routine
« Avec le dépistage généralisé, le nombre d'examens de prélèvement du col de l’utérus devrait augmenter, indique au « Quotidien » Sylvain Berlemont, fondateur de Keen Eye. Des outils sont nécessaires pour accompagner ce volume grandissant de données. Notre vocation est de proposer un outil utilisable en routine dans des conditions standardisées et sécurisées ».
Depuis plusieurs années, des systèmes de lecture automatisée par ordinateur, basés sur des programmes de reconnaissance d'images, ont été développés afin d'aider techniciens et pathologistes à analyser les frottis en sélectionnant ceux qui nécessitent une attention particulière.
Selon Sylvain Berlemont, « les cytotechniciens nous disent qu'en pratique, une vérification est nécessaire pour s'assurer de la qualité des résultats. Or, ils ont des centaines de lames à analyser par jour, et seules 5 à 10 % nécessitent d'être vues par un pathologiste ».
Allier productivité et qualité
L'intelligence artificielle laisse entrevoir la promesse d'un dépistage qui allierait gain de productivité et gain de qualité. « La technologie que nous développons va permettre un dépistage à un niveau industriel grâce à une expertise visuelle basée sur l'apprentissage profond (deep learning), explique Sylvain Berlemont. Notre algorithme s'appuie sur des images de frottis annotées par des pathologistes afin d'entraîner le système à reconnaître les frottis anormaux ».
« L'idée n'est pas remplacer les pathologistes mais de leur permettre de consacrer plus de temps à des frottis qui nécessitent leur compétence », poursuit le fondateur de Keen Eye.
Si les techniques de dépistage sont de plus en plus performantes, le manque d'automatisation entraîne un risque de faux négatifs et donc de perte de chance pour les patients.
« L'algorithme permet de réduire le taux de faux négatif en agissant comme un filet de sécurité : il détecte de manière exhaustive toutes les cellules qui présentent une signature pathologique et leur attribue un score, ce qui permet de guider l'analyse du praticien sur les zones d'intérêt », explique Sylvain Berlemont.
Le système développé par Keen Eye combine la détection des éléments pathologiques et la capacité à déterminer la nature du frottis. L'algorithme permettra de distinguer sept types de frottis définis selon la classification de Bethesda : trois correspondant à des frottis normaux, trois à des frottis anormaux et un au stade carcinome.
Accès à un grand nombre d'images
La preuve de concept a été apportée par une première version préliminaire de l'algorithme qui a montré des résultats prometteurs avec une sensibilité de plus de 90 %.
Pour développer son algorithme, Keen Eye s'appuie sur l'expertise d'un conseil scientifique, composé notamment de pathologistes, et sur des partenaires hospitaliers et privés qui permettent à la société d'avoir accès à un très grand nombre d'images.
« Le projet Keen Eye AI a démarré il y a un peu plus d'un an. Nous attendons des premiers résultats significatifs cet été et sa commercialisation est prévue pour fin 2020 », annonce Sylvain Berlemont.
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