Dans la famille G.*, il y a le grand-père : médecin généraliste, devenu plus tard radiologue. Le père, le Dr Jérôme G., généraliste aussi. Le fils, Corentin G. – qui n’a pas encore soutenu sa thèse – et la fille, le Dr Floriane G., tous deux omnipraticiens également. Le premier enfant a rejoint le cabinet de son père après son AVC ; la seconde a préféré s’installer ailleurs pour tout recommencer à zéro et ne pas être comparée au patriarche.
Pour le père de famille, le Dr Jérôme G., « être médecin est dans mon ADN ». S’il hésitait à la sortie du lycée entre médecine et architecture, il a finalement opté pour le domaine qu’il connaissait « déjà un peu » et dont il n’avait « pas peur ». Quand il s’est installé, raconte-t-il, « il n’y avait pas de centre 15, aucune régulation. Les gardes, c’était toute l’année, tous les jours et je me levais régulièrement la nuit… Les jeunes, eux, ne connaissent plus ça ! » Le praticien explique avoir fait un AVC car il travaillait 110 heures par semaine. Son fils l’a alors rejoint à la fin de ses études pour l’aider, d’abord provisoirement, « à la rescousse », puis, finalement, pour de bon. « Il va rester et on va s’associer. Nous prévoyons des travaux dans notre cabinet. Comme ça, dans cinq ans, je prendrai ma retraite. »
Leur cabinet se situe au sein de la maison familiale. Les deux partagent un bureau. L’ARS a refusé de leur octroyer une aide à l’installation car leur zone est une zone d’intervention complémentaire et pas prioritaire. On a conseillé au fils, Corentin G., de s’installer à 5 kilomètres. Mais lui pense que « c’est dangereux pour les patients de mettre des jeunes médecins seuls au milieu de nulle part ».
Des couches au stéthoscope
Ce dernier raconte avoir été bercé par les histoires de médecin de son père : « les tumeurs abominables, les plaies qui sentent très forts… » Et il se rappelle également l’immense respect qu’imposait son père auprès de sa patientèle, dont il s’occupe à son tour aujourd’hui. « Je suis médecin de famille, certains de mes patients m’ont donc vu grandir ! ». Des couches au stéthoscope, s’amuse-t-il.
Y a-t-il des différences dans leurs exercices respectifs ? Le père répond. « Mon fils est plus porté sur la télémédecine et plus rigoureux par rapport à ses horaires. Il sait dire non. » Sur le plan médical, les deux médecins « voient les choses de la même façon » et travaillent avec un logiciel commun, où ils ont créé des prescriptions standards et des traitements types, mais adaptables, évidemment, précise le père, visiblement heureux de travailler avec le fils. « C’est génial de travailler ensemble. J’ai tellement œuvré pour ce cabinet, dont j’ai vissé la plaque, que je trouvais dommage que mes enfants n’en profitent pas et recommencent à zéro. » Le fils est aussi content d’avoir pu apprendre aux côtés de son père. « Il m’a aidé sur l’exercice clinique, notamment pour savoir comment examiner un genou… Les choses qu’on apprend à la faculté mais que les médecins pratiquent différemment. »
Pour autant, sur certains sujets, comme la prescription, Corentin G. avait des a priori qui ont finalement été invalidés par empirisme. « Quand je suis arrivé en ville, j’ai pris une claque ! J’ai élargi mon champ de prescription avec des médicaments différents de l’hôpital, dont l’arsenal est très bas et restreint. Il y a aussi beaucoup de dogmes édictés par la faculté – notamment le fait de prescrire moins – donc au départ j’ai appliqué… et avec le temps, je tends à prescrire comme mon père car les patients reviennent moins souvent et on résout plus de problèmes ! »
* Ces deux médecins ont souhaité témoigner discrètement
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