La sécurité sociale a enregistré, en 2020, le déficit le plus lourd de son histoire : 38,9 milliards d’euros pour le régime général, bien au-delà du précédent « record » de 28 milliards établi en 2010, en plein cœur de la crise financière des subprimes. Un tel niveau et plus encore, l’absence de perspectives de retour à l’équilibre dans un futur proche, posent plusieurs questions fondamentales quant au traitement de ce nouveau « trou ».
Avant d’aborder ces questions au fond, je tiens à souligner qu’avec le Sénat et sa commission des affaires sociales, j’ai appuyé le principe d’une réponse forte de l’ensemble de notre système de protection sociale pendant la crise. De fait, il a su jouer pleinement son rôle de filet de sécurité pour les Français en cette période très difficile.
Bien sûr, ce soutien massif a eu - et a toujours - un coût, très élevé. Plus encore, dans le même temps, le fort repli des recettes engendré par la récession de 2020 (avec une baisse du PIB de près de 9 %) et par des exonérations exceptionnelles, explique l’essentiel du déficit record évoqué au début de cet article.
À partir de là, la question du traitement de ce déficit et de ceux qui vont s’ajouter dans les années qui viennent, ne doit pas se poser en termes « moraux ». Il ne s’agit pas de savoir si la sécurité sociale est « responsable » de « ses » déficits, du fait de « sa » gestion, pour se demander s’il lui revient d’en assumer le coût.
Il s’agit bien plutôt d’en revenir aux questions fondamentales déjà posées par le « plan Juppé » en 1996. L’ambition alors affichée de ne pas transmettre le « trou » de la sécurité sociale aux générations suivantes doit-elle être poursuivie ou est-il temps, à l’occasion de la présente crise, d’acter notre échec collectif à combler ce trou et à consacrer à de meilleurs usages les sommes dévolues au remboursement de la dette sociale ?
Un tel débat n’est pas médiocre. Il a déjà conduit à créer une Caisse d'Amortissement de la Dette Sociale (CADES) autrement dit, une transformation d’une dette en produit financier !
En effet, la prolongation « perpétuelle » de l’existence de la Cades, en germe dès avant la crise, doit nous conduire à nous interroger sur notre capacité à éteindre cette dette sans la reconstituer avec de nouveaux déficits. En tout cas, il nous faut constater que 25 ans après la création de la Cades, nous sommes revenus au point de départ avec une perspective d’amortissement de la dette sociale en treize ans.
Dès lors, pourquoi ne pas prendre acte de cet échec et, a minima, profiter des taux actuellement bas pour amortir sur une très longue durée la dette résultant des déficits de crise et utiliser à d’autres fins (dépendance, investissements en santé…) les sommes ainsi dégagées ?
Le "trou" mine la confiance des Français
Tout simplement parce que l’existence même du « trou » de la sécurité sociale mine la confiance des Français, en particulier des plus jeunes, dans l’ensemble de notre système social. En tant que rapporteur de la branche vieillesse, je ne peux qu’être alarmé par le fait qu’une majorité de jeunes considèrent qu’ils n’auront droit à aucune retraite par répartition le jour venu alors même qu’ils cotiseront de longues années pour cela. Ainsi, le rétablissement des comptes de la sécurité sociale n’est pas qu’un impératif comptable ; il est la condition même de la cohésion nationale autour de notre sécurité sociale, du consentement de chacun à la cotisation et donc de son avenir.
C’est pourquoi, malgré les circonstances exceptionnelles du moment, le principe du remboursement de l’ensemble de la dette sociale doit être maintenu. Cependant, comme le Sénat l’a déjà exprimé, deux conditions doivent être respectées à cette fin.
Tout d’abord, cette dette ne doit inclure que la dette « légitime » de la sécurité sociale. Il s’agit donc d’assurer que tout déficit créé par des décisions de l’État (exonérations, activité partielle, etc.) soit compensé aux organismes afin de ne pas alourdir artificiellement leur barque. Et il faut, bien sûr, que la Cades n’ait pas à amortir une dette d’une autre nature, comme par exemple une fraction de la dette immobilière des hôpitaux.
De plus, il nous faut couper enfin le robinet de la dette sociale en imposant, à l’issue de la crise actuelle, le principe d’un équilibre à moyen terme des comptes sociaux. Tel est le sens de la « règle d’or » qui figure dans la proposition de loi organique que je viens de cosigner avec Jean-Marie Vanlerenberghe, Catherine Deroche, Alain Milon et les rapporteurs du PLFSS.
Tout comme les partenaires sociaux aux origines de la sécurité sociale (et aujourd’hui encore au sein de l’Agirc-Arrco), les pouvoirs publics devront assumer leur choix, soit par des mesures de maîtrise de la dépense soit par une adaptation du montant des prélèvements consacrés au financement de notre modèle social. Même dans ce nouveau cadre, la politique restera donc souveraine ; seule la politique de l’autruche ne peut plus être poursuivie.
Exergue : Malgré les circonstances exceptionnelles du moment, le principe du remboursement de l’ensemble de la dette sociale doit être maintenu
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