« La médecine interne est moins bien choisie d’année en année ! », s’inquiète le Dr Pierre-Louis Cariou, 29 ans, secrétaire général de l’Amicale des jeunes internistes, qui réunit des internes et chefs de clinique de la spécialité. Un repli qui s’observe avec le rang moyen aux ECN. Avant la réforme du troisième cycle (2017), « sur les 30 spécialités médicales, la médecine interne figurait entre la première et la cinquième à partir. Mais en 2023, sur les 44 spécialités, elle ne se classe plus qu’entre le 15e et le 31e rang des spécialités les plus prisées », observe le Dr Cariou.
Afin de comprendre les raisons de ce trou d’air, le collectif a sondé ses troupes, à la faveur d’un questionnaire adressé via les réseaux sociaux aux étudiants en médecine interne entre le 24 septembre 2023 et le 30 janvier 2024. Premier enseignement, même si la spécialité recule dans la hiérarchie des choix des internes, plus des trois quarts ayant fait ce choix (77 %) se déclarent satisfaits de leur cursus. Le quart plus critique dénonce en particulier le « manque de formation théorique sur une spécialité difficile à appréhender », devant la lourdeur administrative (14 %).
Super-généralistes ou…
« Les personnes en dehors du circuit médical, et même parfois en son sein, ne connaissent pas bien notre spécialité et ne savent pas vraiment ce qu’on y fait. C’est une de nos difficultés », déplore Pierre-Louis Cariou. Les internistes doivent donc se satisfaire de termes vagues comme « super-généralistes », « qui parlent au plus grand nombre ». Pourtant, en pratique, un médecin interniste est un praticien très souvent hospitalier qui a deux versants principaux, recadre le jeune médecin. Un premier, immunologique, qui concerne les maladies rares, et un second qui relève de la médecine polyvalente, attaché au suivi de patients ayant des problèmes de santé qui peuvent toucher plusieurs organes.
« Dans notre cursus, on passe dans beaucoup de spécialités différentes. Au cours de l’internat, nous faisons quatre stages en hématologie, neurologie, néphrologie et pneumologie. Tous les 6 mois, on change », énumère-t-il. Cette maquette assortie de stages libres séduit, selon l’enquête, 78 % des étudiants interrogés. C’est même cette grande variété de l’exercice qui séduit les juniors. S’ils sont 17 % à avoir choisi la médecine interne pour son « versant immunologique » et 12 % pour son « versant polyvalent », une écrasante majorité (71 %) motive son choix par « un mélange de ces deux versants ».
Parmi les avantages de la médecine interne, 90 % des répondants citent « la prise en charge du patient dans sa globalité » et « les connaissances polyvalentes ». Côté inconvénients, sont cités en priorité une « charge horaire trop importante » (79 %), la « faible reconnaissance salariale en comparaison à d’autres spécialités » (69 %) et l’absence de possibilité d’exercice libéral (54 %). « Ce qui est ressorti du questionnaire, c’est surtout qu’il y a des spécialités beaucoup moins chronophages en termes d’implication, de temps de travail et de confort de vie. Nous ne touchons pas de primes et n’avons pas la possibilité de partir en libéral », insiste le Dr Cariou.
Plus de la moitié des jeunes internistes verraient d’un bon œil la création d’une lettre-clé spécifique. Ou de conditions simplifiées d’accès au secteur ambulatoire. « Nous faisons des consultations souvent très longues et n’avons pour l’instant que la possibilité de coter une consultation standard de médecin traitant. Nous sommes souvent obligés de faire des dépassements d’honoraires, et même dans ce cas, la médecine interne en ambulatoire n’est financièrement pas tenable », analyse Pierre-Louis Cariou.
Campagne de communication
Ce n’est donc pas une surprise si l’écrasante majorité des répondants envisagent un futur exercice à l’hôpital (47 % en CHU, 27 % en CH). S’ils le pouvaient, 23 % seraient tentés par un exercice mixte. Mais seuls 2 % imaginent un avenir en cabinet libéral et 1 % en clinique.
La médecine interne pâtit directement des dysfonctionnements du système hospitalier. Pour 94 % des jeunes internistes, la baisse d’engouement pour cette spé s’explique même par « la situation de l’hôpital ». La charge de travail est citée en deuxième position (76 %), devant « le salaire en comparaison à d’autres spécialités » (65 %).
Bonne nouvelle malgré tout, 78 % des étudiants sondés choisiraient à nouveau la médecine interne. Et la prochaine campagne de communication à laquelle réfléchit l’Amicale des jeunes internistes – tant auprès du grand public que des médecins – pourrait encore faire évoluer ce taux.
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