L'Albanie veut endiguer la fuite de ses jeunes médecins en votant une loi les obligeant à travailler dans leur pays deux à cinq ans après leur diplôme, sous peine de devoir rembourser leurs frais de scolarité. Mais que peut faire Tirana face aux salaires et conditions de travail ailleurs ? Depuis des semaines, les étudiants réclament l'annulation de la loi. Pour eux, elle est « anticonstitutionnelle », et « viole les principes fondamentaux des droits de l'homme sur la liberté de mouvement ».
Surtout, expliquent-ils à nos confrères de l'AFP, elle les prive de partir « développer leur formation » en Allemagne ou en Italie, leurs deux pays de prédilection. Dans l'espoir d'obtenir gain de cause, ils ont saisi la Cour constitutionnelle, qui doit se prononcer dans les prochaines semaines.
Appel d'air
« La nouvelle viole le droit des étudiants à choisir librement où ils veulent travailler », explique Reant Kullaj, étudiant en 5e année de médecine générale. « Les étudiants, on les motive à rester, mais on ne peut pas les obliger », lance-t-il soutenu par ses camarades de cours rassemblés, comme chaque matin, devant la Faculté de médecine.
L'Albanie compte 1,9 médecin pour 1 000 habitants – l'un des pays d'Europe le moins bien pourvu proportionnellement à la population. La France compte, elle, 3,18 médecins pour 1 000 habitants, l'Allemagne 4,5.
Fatmir Brahimaj, le président de l'Ordre du médecin, confie qu'au moins 1 000 médecins albanais travaillent déjà en Allemagne. Selon l'Association des médecins albanais en Europe, plus de 3 000 docteurs ont quitté le pays au cours de la dernière décennie.
« Il faut freiner le départ des médecins de l'Albanie, surtout des jeunes qui, après leur diplôme, quittent le pays. C'est un vrai problème », alerte Pajtim Lutaj, un ophtalmologue rentré en Albanie après un stage de spécialisation à Paris.
Possibilité de carrière
Le premier ministre albanais Edi Rama a été clair : « Nous ne pouvons pas fournir des médecins à l’Allemagne », a-t-il déclaré en septembre. « Nous payons, nous les préparons – et c’est l’Allemagne qui les prend. »
Mais les conditions de vie proposées par l'Allemagne sont attractives et les publicités des agences qui s'engagent à offrir un meilleur avenir aux jeunes médecins albanais sont alléchantes : « Travail et contrat assuré dans les plus grands centres hospitaliers allemands, possibilité de choisir vous-même la ville et le lieu de travail dans 2 000 villes dans toute l'Allemagne. Salaire de 2 800 à 3 900 euros par mois et possibilité de carrière, selon tous les standards européens… » Des offres qui ne laissent pas indifférents dans un pays où le salaire moyen d'un jeune diplômé qui travaille dans le secteur public est de 1 000 euros.
Pour exercer en Allemagne, les jeunes médecins doivent fournir le contenu détaillé des enseignements suivis, et leurs diplômes traduits en allemand. Après étude du dossier, l'équivalence est soit accordée, soit rejetée. Il faudra aussi prouver un niveau d'allemand suffisant (niveau C1), un casier judiciaire « sérieux » et l'absence de problèmes de santé chroniques. À compter du 1er novembre, les formalités seront encore plus simples : l'Allemagne introduit un nouveau système d'immigration - la Chancenkarte pour les travailleurs extérieurs à l’UE.
Cette carte s’adresse à des personnes sans contrat de travail en poche, mais dotées d’un potentiel : diplôme universitaire ou expérience personnelle d’au moins deux ans à l’étranger. Ils auront alors le droit de venir en Allemagne, et 12 mois pour trouver un emploi. Selon une étude du cabinet PWC en juin 2022, il pourrait y avoir jusqu’à 1,8 million de postes vacants dans la santé en Allemagne d'ici 2035.
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