LE QUOTIDIEN : Quels dossiers entendez-vous pousser durant ce mandat de deux ans à la tête de Jeunes Médecins ?
Dr ANNA BOCTOR : Le premier d’entre eux concerne les médecins libéraux, notamment l’amélioration de leur exercice au quotidien. Cela passe par l’optimisation de leur temps de travail, mais surtout par un exercice beaucoup plus proche de la qualité du soin délivré aux patients. Ces objectifs ont été oubliés dans les récentes réformes, notamment par la Sécu qui a plutôt une priorité de “productivité”.
Sur le terrain, nous médecins, privilégions toujours la qualité du soin. En tant que syndicat, nous aimerions créer un lien plus fort entre les médecins et les instances – le ministère de la Santé et l’Assurance-maladie - pour pouvoir exercer notre métier d’une manière plus adaptée et y faire entendre notre voix.
Comment comptez-vous y parvenir ?
Nous avons un premier objectif très clair, celui de gagner un maximum de voix aux prochaines élections aux Unions régionales des professionnels de santé (URPS) en 2026, afin d’être plus visible auprès de la communauté médicale libérale et peser sur la convention médicale. Le secteur libéral est un pan de la profession dans lequel nous ne sommes pas suffisamment identifiés.
Historiquement, notre syndicat est plutôt hospitalier mais, clairement, Jeunes médecins veut être représentatif de toute la population médicale et pas uniquement hospitalière. On a un vrai challenge de se rendre visible et de porter aussi la voix des médecins libéraux.
Quelle est votre réaction à la proposition de loi transpartisane du député socialiste Guillaume Garot prônant la régulation à l’installation et la suppression du secteur 2 ?
Nous nous opposons fermement à toute contrainte sur la liberté d’installation. Cette menace et ces propositions sont une aberration et vont à l’encontre des solutions que nous voulons proposer pour améliorer l’accès aux soins. D’autant que cet éternel débat sur la liberté d’installation n’a pas de sens. Il est contre-productif, compte tenu du faible nombre de médecins qui exercent effectivement en libéral. Pour ne citer que le seul exemple de la pédiatrie, nous ne sommes que 2670 pédiatres libéraux sur tout le territoire et 35% ont plus de 60 ans ! Il est très important de raisonner avec les bons chiffres et de ne pas retenir que les seuls médecins inscrits à l’Ordre.
Que proposez-vous sur le secteur 2, régulièrement attaqué ?
En réalité, l’accès au secteur 2 pour tous les médecins serait le meilleur moyen de préserver la convention, qui est clairement menacée. Pour conserver un accès aux soins pour tous les Français, la Sécu a accepté d’augmenter un peu les tarifs conventionnés mais ce n’est clairement pas à la hauteur des besoins des médecins.
Cet accès au secteur à honoraires libres donnerait une soupape de sécurité, une bulle d’oxygène nécessaire par rapport à l’inflation et à la hausse de nos charges. Nous proposons d’en discuter avec l’ensemble des acteurs payeurs – les mutuelles, la Cnam et les patients.
La quatrième année d’internat de médecine générale devrait voir le jour dans la douleur. Y êtes-vous favorable ?
Voir une réforme pareille sortir au forceps parce qu’elle n’a pas été préparée convenablement, n’est pas entendable ! En aval, il n’y a pas assez de terrains de stage pour accueillir les internes. La qualité de la formation n’y est pas. Les mesures proposées par le gouvernement visent à faire des économies et à utiliser plus longtemps les internes de médecine générale comme main-d’œuvre pas chère. L’objectif n’est clairement pas d’améliorer la qualité de la formation et donc la qualité du soin. Pour nous, syndicat de médecins, c’est inacceptable.
Vous aviez préparé en 2023 une grande enquête sur le sexisme dans le monde médical. Où en est-on ?
Nous avons élaboré un questionnaire extrêmement bien construit avec les chercheurs du Défenseur des droits. Nous étions prêts. Pour avoir une enquête la plus exhaustive possible, il fallait l’envoyer à l’ensemble de la profession. Les seuls qui ont une base de données exhaustive de la profession, c’est la DGS et l’Ordre des médecins. Nous avons sollicité ces deux instances. Elles ont refusé de transmettre à la profession notre questionnaire.
La poursuite de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles sera un combat permanent de mon mandat. La violence sexiste, hiérarchique et managériale dans le monde médical est une réalité. C’est une violence tout court qui est de plus en totale incohérence avec le métier qu’on exerce.
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