Quel est le mot d’ordre de cette journée nationale sans internes ?
Olivia Fraigneau : Le mot d’ordre de cette journée nationale sans internes est vraiment de mettre la lumière sur les conditions de vie et de travail des internes en France. Cela fait des années que les gouvernements successifs sont alertés par les différents syndicats représentatifs des internes sur ce sujet, celui de la santé mentale des internes et les retentissements sur la prise en charge des patients. Parce que lorsque l’on représente jusqu’à 40 % des personnels médicaux des hôpitaux et que l’on est aussi une population atteinte largement par du stress pathologique, beaucoup de patients en souffrent. Le taux d’erreur ne fait qu’augmenter. Mais rien ne change. En plus de cela, le gouvernement ouvre des missions sur la permanence des soins ou sur le statut des médecins en n’incluant pas les internes dans ces réflexions. Nous sommes auditionnés mais seulement pour réfléchir à des évolutions pour les seniors.
Cela fait des années que les internes alertent sur leur situation, y a-t-il un manque de volonté politique pour réellement avancer sur ce sujet ?
O.F. : Tout à fait, c’est pour cela que nous avons décidé de faire une journée en dehors de toute actualité politique. Car à chaque fois qu’on l'évoque c’est parce qu’il s’est passé autre chose. Nous en avons parlé par rapport aux risques sur la liberté d’installation ou pour l’ajout d’une 4e année en médecine générale… Donc cela passe toujours au second plan. L’objectif aujourd’hui est de dire : nous avons des médecins avec entre six et douze ans d’études qui sont profondément malades et meurtris par leur métier et qui du coup tuent des gens et meurent eux aussi. Il y a moins de trois semaines de cela, il y a encore une interne qui s’est suicidée en France. On ne peut plus continuer de fermer les yeux là-dessus.
Avec votre slogan "internes maltraités, patients en danger", vous mettez aussi l’accent sur les risques pour les patients.
O.F. : Quand on travaille 24 heures d’affilée, on a les mêmes réflexes que quelqu’un qui est saoul et n’a pas le droit de conduire. Donc je ne crois pas qu’on soigne bien les gens. Les deux plus gros facteurs de risque de commettre des erreurs médicales sont le stress et le temps de travail prolongé. Un interne travail 60 heures par semaine en moyenne et 70 % des internes souffrent d’anxiété pathologique. Donc quasiment systématiquement on commet des erreurs médicales. Sauf qu’encore une fois, nous représentons presque un médecin sur deux dans les hôpitaux publics. Donc quand les gens viennent à l’hôpital public maintenant ils risquent leur vie.
Quelles sont les revendications portées lors de cette journée de grève ?
O.F. : Nous demandons encore et toujours le décompte du temps de travail des internes. Cela fait des années qu’il devrait être mis en place et ce n’est toujours pas le cas. Nous avons des procédures en cours contre chacun des CHU de France. Et nous aimerions que le gouvernement l’impose également. Nous réclamons aussi une revalorisation du salaire d’au moins 300 euros par mois à chaque échelon, car 6,40 euros de l’heure c’est peu. Enfin nous demandons une indemnité logement indexée sur le prix des loyers car nous avons des grosses inégalités de qualité de vie et de coût des loyers sur le territoire. Les endroits où les loyers sont les plus chers sont aussi ceux où il y a le moins d’internats pour être logés.
Dans le cadre de cette journée de grève l’Isni lance la campagne #Hippocrate2023. Elle s’accompagne d’une vidéo choc où les internes détournent le serment d’Hippocrate pour mettre notamment en avant la prévalence des risques psychosociaux chez les internes.
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