À 21 ans, Yaël Thomas, étudiant en troisième année de médecine à Brest, prend la présidence de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), suite à l’élection du nouveau bureau de l’association, dimanche 3 juillet. Ancien administrateur de l’Anemf et élu étudiant au conseil d’administration de l’université de Brest, le nouveau président de la centrale étudiante, originaire de Guingamp, souhaite mettre l’accent sur la précarité étudiante et dire non à la quatrième année de médecine générale.
LE QUOTIDIEN : Vous entamez un mandat d’un an à la présidence de l’Anemf, quelle est l’urgence pour vous ?
YAËL THOMAS : Pour nous dès maintenant, l’urgence c’est la baisse des aides personnalisées au logement (APL). Avec la réforme des APL, les externes ont perdu en moyenne 100 euros par mois. C'est énorme, surtout lorsque l’on a un salaire de 290 euros ! Avec l’inflation et l’augmentation du prix de l’essence, la situation financière des étudiants en médecine est alarmante, certains ne peuvent plus se payer trois repas par jour, d’autres s’empêchent d’aller dans certains stages car ils n’ont pas les moyens pour les transports. Depuis trois ans, l’indemnité de transport n’a pas été revalorisée pour les étudiants en médecine, contrairement aux agents du service public. Elle reste à 130 euros, ce n'est pas cohérent.
Nous demanderons donc au ministre d’augmenter nos APL, mais aussi que nos salaires soient au moins équivalents aux autres étudiants de deuxième cycle, soit 3,90 euros de l’heure, contre environ 2,70 euros pour les externes. En 2021, le coût de la rentrée pour un étudiant de quatrième année était de 2 709 euros, c’est intenable. Et certaines personnes imaginent encore que les étudiants en médecine sont à l’aise financièrement. Ils n’arrivent toujours pas à comprendre que nous souffrons de précarité, comme les autres.
Le spectre de l’ajout d’une quatrième année à l’internat de médecine générale plane actuellement sur les internes, qu’en pensez-vous ?
Lors du congrès de l’Anemf ce week-end, les administrateurs ont pris une décision nette : nous nous opposerons à l'ajout d'une 4e année d’internat en médecine générale. Actuellement, les nouveaux internes qui vont choisir cette spécialité cet été, et commencer leurs stages en novembre, ne savent même pas s’ils partent pour trois ou quatre ans ! Aucune de nos revendications n’a été écoutée, on ne sait pas où on va. Il n’y a pas assez de maîtres de stages, pas assez de ressources humaines pour former déjà les futurs généralistes en trois ans… Ce n’est pas la solution d’envoyer dans la nature des internes, sans aucun formateur. De plus, le message que l’on passe à la population c’est de leur proposer un médecin qui change tous les six mois, sans aucun suivi des pathologies chroniques, c’est incompréhensible !
Allez-vous poursuivre le combat sur la qualité de vie des étudiants ?
Oui, ce sera toujours une de nos grandes priorités. Actuellement, la formation en médecine ne permet pas un épanouissement serein des étudiants. 75 % d’entre eux disent avoir eu des symptômes anxieux, 39 % des épisodes dépressifs. Nous allons nous engager pour développer des cellules d’aides locales. De très bonnes initiatives se lancent au sein des facs, mais les enseignants manquent encore de formation. Aussi, sur les violences sexuelles et sexistes qui touchent les étudiants, nous allons travailler avec les ministères autour des cellules d'accompagnement et la mise en place de sanctions claires, nationales, pour les agresseurs. L’enquête que nous avons menée il y a plus d’un an montre que 40 % des étudiantes en médecine ont déjà subi des remarques sexistes, 15,6 % une agression sexuelle, qui provenait dans la très grande majorité des cas en stage, par un supérieur hiérarchique. C’est honteux.
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