« Je voulais être du côté du soin, accompagner les patients, avoir un métier plus humain ». Après le baccalauréat, Selma, aujourd’hui interne en médecine générale à Paris, pensait déjà faire des études de médecine mais décide plutôt de suivre un cursus en école de commerce. Mais plusieurs stages et un début de carrière dans le milieu de la santé la ramènent régulièrement à ce rêve de devenir médecin. C’est pourquoi, à 24 ans, elle décide de présenter sa candidature à une passerelle vers les études médicales. Son dossier validé et un entretien plus tard, elle peut rejoindre les rangs des passerelliens, ces étudiants qui intègrent le premier cycle des études médicales en deuxième ou en troisième année sans passer le rite de passage que constitue le concours de première année.
Un concours sélectif
Cette procédure s’adresse à des personnes ayant validé un master, un diplôme d’ingénieur, ou un doctorat. Les candidats qui suivent cette procédure viennent donc d’horizons très différents mais sont « en général des personnes de très haut niveau », assure le professeur Bellissant, doyen de la faculté de médecine de Rennes. Ils ont réussi des parcours d’ingénieurs, de chercheurs dans laboratoires ou encore dans le domaine des sciences politiques. Ils décident malgré tout de se présenter à ce concours parce qu’ils avaient ce rêve de devenir médecin ou encore « parce qu’ils ne voient pas de sens à ce qu’ils font », continue le doyen.
Mais présenter un dossier solide ne suffit pas forcément à passer ce concours très sélectif, « plus encore que celui de première année, juge Éric Bellissant. À Rennes, nous recevons entre 50 et 60 candidats par an pour 10 places ». Une fois le dossier déposé auprès de la faculté, le jury va chercher à évaluer le parcours du candidat et sa cohérence, « on va par exemple regarder s’ils ont eu des expériences à l’étranger, s’ils ont fait de la recherche », énumère le doyen. L’entretien qui suit cette première sélection se joue sur la motivation du candidat. Il s’agit, pour le jury, de déterminer la profondeur du projet, la réflexion et la maturité qu’il y a derrière.
Des difficultés
Alors que ces candidats s’apprêtent à s’engager dans des études longues d’au moins 10 ans, le jury va s’attacher à évaluer la faisabilité du projet. Ils doivent dans un premier temps pouvoir subvenir à leurs besoins tout au long de ce cursus. « Pour ma part j’avais réussi à mettre de l’argent de côté parce que j’avais travaillé auparavant », explique Selma. D’autres étudiants contractent des crédits ou bien sont rémunérés le temps de leurs études dans le cadre d’un contrat d’engagement de service public (CESP) en contrepartie de leur engagement à aller exercer dans un désert médical à la fin de leurs études.
Au-delà du simple aspect financier, « c’est un véritable projet de famille » qui se dessine car la plupart ont déjà une famille à prendre en charge et « ils ont besoin de soutien » pour aller au bout, justifie le doyen de la faculté de Rennes. C’est donc un vrai défi pour ces postulants qui nécessite souvent une période d’adaptation après leur intégration dans le cursus. D’autant plus que ces étudiants doivent rattraper leur retard dans certaines matières. « Je sentais que j’avais des lacunes en anatomie », se souvient Selma. Pour cela, les étudiants qui ont passé le concours fournissent une aide précieuse. « Plusieurs m’ont proposé leurs fiches de l’année précédente », continue-t-elle.
Ouverture des études médicales
Malgré les difficultés propres aux études de médecine et à la situation de ces étudiants, les abandons sont rares, « autour de 10 % », estime le professeur Bellissant. Une fois dans le cursus, les passerelliens participent à l’ouverture des études médicales à d’autres disciplines et offrent un regard différent sur l’exercice de la médecine. Le concours permet, par exemple, l’intégration dans le monde médical de profils plutôt orientés vers les sciences humaines « qui n’avaient qu’une faible chance de passer la barre de la PACES », témoigne Éric Bellissant. Avant de préciser que le système PASS/LAS donne aussi plus de chances à ces profils. « Mon parcours précédent m’a apporté un esprit de synthèse et des facilités à créer des liens avec mes autres collègues et les patients », confirme Selma.
Des profils atypiques dans le monde médical dont les compétences et le savoir-être ne sont pas assez mis en avant au cours de leur formation de médecin, selon Éric Bellissant. « Ces étudiants ont une formation initiale qui pourrait être un plus, mais leur apport n’est pas assez valorisé », témoigne-t-il. « J’espère pouvoir mettre en pratique mes capacités managériales et ce que j’ai appris en santé publique et management de la santé. Je pense qu’il y a toujours moyen de réutiliser ce qu’on a fait auparavant », conclut Selma.
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