Choisir sa spécialité relève parfois du casse-tête pour les futurs internes.
Pensez plutôt : depuis 2010, au moment d'effectuer leur choix, les premiers étudiants classés aux épreuves classantes nationales (ECN) doivent choisir entre 28 villes de CHU et pas moins de 30 spécialités dont 16 médicales (cardiologie, dermatologie, rhumatologie, néphrologie, radiologie…), 5 chirurgicales (chirurgie générale, ophtalmologie...) et neuf autres filières (médecine générale, anesthésie-réanimation, gynécologie obstétrique, pédiatrie…). Dans ces conditions, il est difficile de satisfaire l'ensemble des membres d'une promotion.
Depuis 2010, entre 80 et 100 internes demandent, chaque année, à faire valoir leur droit au remords. Cette disposition spécifique aux études de médecine permet à un interne, sous certaines conditions, de se réorienter dans une autre discipline au sein dans la même ville (voir ci-dessous).
Selon une récente enquête nationale pilotée par Dominique Marchand, ex-directrice de l'ARS Languedoc-Roussillon, menée sur quatre années, le changement de discipline en cours de 3e cycle intervient de façon modérée. « Près d'1 % des internes d'une promotion ont fait valoir leur droit au remords », explique-t-elle. Même si pourcentage peut sembler marginal, il n'est pas négligeable.
Un choix parfois à l'aveuglette
Depuis la réforme de la filiarisation, le droit au remords est assez « régulier », selon le Dr Julien Lenglet, président de l'Intersyndicat national des chefs de clinique assistants (ISNCCA). « Avant, le système était plus ouvert, plus souple. On choisissait un groupe de spécialités médicales ou chirurgicales. Aujourd'hui, les étudiants de 25 ans choisissent une discipline spécifique (comme l'hématologie ou la neurochirurgie, NDLR). Certains s'engagent dans une carrière sans connaître la spécialité et découvrent qu'ils ne sont absolument pas faits pour ça », explique-t-il. Ces accidents de parcours s'expliquent en partie par la méconnaissance de la spécialité, les étudiants n'ayant pas eu l'occasion de réaliser des stages dans cette filière pendant leur externat. « Les externes font 12 stages en trois ans pour découvrir 30 spécialités. Résultat : des confrères démarrent leur troisième cycle sans jamais avoir mis les pieds dans la spécialité qu'ils ont choisie », poursuit Julien Lenglet. Autre explication de la mauvaise orientation des carabins : la quasi-inexistence d'informations pendant les premier et second cycles sur certaines spécialités, souvent désaffectées : la biologie médicale, la médecine du travail ou la santé publique.
Des stages libres en phase socle
Outre les réorientations liées à une erreur de casting, les raisons invoquées lors du droit au remords sont multiples et personnelles. « Parfois le rythme de travail ne convient pas, parfois il y a trop pression, ou pas assez de pratique clinique… », développe Kevin Cassinari, vice-président de l'Intersyndicat national des internes (ISNI). D'autres internes bifurquent dès la première année d'internat après avoir réalisé un stage hors-filière dans lequel « ils se sont vraiment plu », indique-t-il.
L'ISNI recommande d'ailleurs dans le cadre de la réforme du troisième cycle, que l'internat comprenne bien évidemment pendant sa phase initiale un stage dans la spécialité mais aussi un stage libre. Cet espace de liberté doit aider l'interne à prendre « une décision éclairée ». « Quand on est jeune médecin, le plus important est d'avoir le maximum de choix pour réussir sa vie professionnelle. Le choix que l'on fait, nous le faisons pour trente ans, le droit au remords est un dernier filet de sécurité », souligne le Dr Lenglet.
Assouplir la réglementation
Les récents rapports relatifs à la réforme de l'internat – le dernier en date rédigé par le Pr Benoît Schlemmer, ancien doyen de Paris VII – proposent d'autoriser le recours au droit au remords jusqu'à la fin du troisième semestre (et non plus du quatrième). D'aucuns considèrent au contraire qu'il est nécessaire de donner plus de souplesse à la législation. D'autant que les DES de 39 spécialités différentes seront proposés aux nouveaux internes à la rentrée 2017. « Certaines situations d'internes sont exceptionnelles et la réglementation actuelle bloque leur demande. Il faut faire du cas par cas », résume Dominique Marchand. Un avis partagé par l'ISNI. « Un interne n'effectue pas un droit au remords par plaisir mais parce que cela est nécessaire. Imposer une date butoir signifie que s'il se rend compte trop tard qu'il n'est pas fait pour sa spécialité d'internat, il sera coincé », conclut Kevin Cassinari.
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