Agnès Buzyn et Frédérique Vidal ont présenté leur feuille de route ce mardi pour lutter contre la souffrance des étudiants en santé.
Chargée l'été dernier de plancher sur la qualité de vie des 350 000 étudiants en santé, le Dr Donata Marra a dressé un constat sans appel en remettant son rapport aux deux ministres de la Santé et de l'Enseignement supérieur : oui il y a un problème de mal-être des étudiants en santé, plus ou moins important en fonction des cycles. « Il est temps d'intervenir pour les étudiants, pour les soignants et pour les patients », a-t-elle souligné.
En médecine, il y a urgence : deux jeunes sur trois seraient anxieux contre 26 % dans la population générale, selon une vaste enquête de 2017 sur la santé mentale des étudiants et des internes. 28 % des carabins ont une symptomatologie dépressive contre 10 % du reste des Français. Enfin, 24 % des carabins et internes ont déjà eu des idées suicidaires.
Les études, une course incertaine au classement
« Le sujet s'est imposé comme une priorité, a analysé Frédérique Vidal [...]. Le dysfonctionnement des ECN en juin dernier a révélé des failles dans les organisations et une exaspération des étudiants devant les études de médecine, devenue une course incessante au classement. »
Il n'existe pas de cause unique au mal-être des carabins, ont indiqué les deux ministres. Plusieurs facteurs de risque interviennent. Pour comprendre le malaise étudiant, il faut aussi prendre en compte les spécificités de chaque cursus, comme le « tout ECN » en médecine, qui génère un bachotage infernal au détriment de l'apprentissage du métier de médecin.
« Les études de santé sont actuellement des tunnels dans lesquels on s'engage sans bifurcations, ni retour avec peu d'informations. Certaines comme médecine sont une course d'obstacles », a ajouté la ministre de l'Enseignement supérieur.
Formation des enseignants et étudiants
Dans ce contexte, les deux ministres ont souhaité la création d'un « centre national d'appui » pour promouvoir la qualité de vie des étudiants en santé et des soignants. Composé de représentants d'étudiants, de patients, de professionnels de santé, des doyens et de l'Ordre, il devra organiser des formations pour les enseignants et les étudiants. D'autres objectifs sont affichés comme l'identification des facteurs de risques psychosociaux spécifiques aux étudiants et soignants (taux d'arrêts d'études dans les formations, départ de professionnels, etc.).
La formation des enseignants apparaît comme l'une des clés à la prise en charge du mal-être des jeunes. Le Dr Marra préconise de former des enseignants et étudiants référents afin qu'ils diffusent les connaissances et compétences en pédagogie. Elle suggère de démarrer avec des modules de formation à la détection de la souffrance en santé et avec le débriefing de situations difficiles. Une idée reprise par le gouvernement.
Généralisation des dispositifs de soutien
Autre piste : communiquer sur les dispositifs de soutien et d'accompagnement (Cellule SOS, mail, téléphone, bureau…) et les parcours de soins existants. « Les étudiants doivent pouvoir être accueillis par un tuteur enseignant pour de simples conseils concernant leur cursus, ou la gestion de leur vie quotidienne, qu'ils soient brillants, ou en échec académique : là est le rôle d'une interface enseignants-étudiants », peut-on lire dans le rapport de la psychiatre. La généralisation de cellules d'écoute avant la fin de l'année fait partie des annonces des deux ministres. Elles s'ajouteront aux cellules d'accueil et d'écoute pour informer et accompagner les étudiants victimes de violences sexistes et sexuelles.
Un circuit court psychiatrique ou psychologique devra également être proposé aux étudiants afin de les orienter vers un parcours de soins adapté et « en toute confidentialité », a précisé la ministre de la Santé Agnès Buzyn. « Je souhaite qu'un étudiant qui soit dans une situation d'inconfort et de mal-être sache vers qui se tourner ou qu'un étudiant confronté à une situation de ce type pour un de ses camarades sache les possibilités qui lui sont offertes », explique Agnès Buzyn.
Mieux encadrer et évaluer les stages
Autre volet du plan qualité de vie des étudiants en santé : les stages hospitaliers. L'action doit porter sur l'encadrement des terrains de stages. « Les lieux de stages doivent faire l'objet d'une évaluation systématique par les étudiants et dans toutes les filières. Elle doit permettre de déclencher une procédure de réexamen de l'agrément ou des conventions », a aussi commenté Agnès Buzyn.
La généralisation de la charte d'accueil des étudiants en stage a également été annoncée par la ministre de la Santé. Le respect du temps de travail hebdomadaire et du repos de sécurité des étudiants sera à l'étude.
Les étudiants satisfaits
Du côté des jeunes, la satisfaction est au rendez-vous. L'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) a salué les actions annoncées. Néanmoins, les carabins regrettent qu'aucune mesure ne porte sur le statut d'étudiant hospitalier « dévalorisant » et « dépassé ».
L'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) a aussi applaudi la « réelle concertation » sur la question épineuse de la qualité de vie des étudiants en santé, « enfin une priorité ». «Nous assistons aujourd’hui aux prémices d’un chantier qui s’annonce long mais indispensable », a réagi l'organisation, qui réclame un suivi et une évaluation des mesures dans le temps.
L'Intersyndicale nationale des internes (ISNI) souhaite pour sa part l'ajout d'un objectif national : faire disparaître le facteur de risque que représentent les études de médecine et ramener les statistiques de la santé mentale des étudiants en santé à celle de la population française dans les dix ans à venir. Vaste chantier.
« L’accès au secteur 2 pour tous, meilleur moyen de préserver la convention », juge la nouvelle présidente de Jeunes Médecins
Jeu concours
Internes et jeunes généralistes, gagnez votre place pour le congrès CMGF 2025 et un abonnement au Quotidien !
« Non à une réforme bâclée » : grève des internes le 29 janvier contre la 4e année de médecine générale
Suspension de l’interne de Tours condamné pour agressions sexuelles : décision fin novembre