Depuis une dizaine d’années, le constat se répète : la psychiatrie occupe le bas du classement des spécialités les moins prisées par les internes. Un désamour qui a encore placé la psychiatrie à la 40e place sur 44 des spécialités préférées des carabins à l’issue des ECN 2021. Résultat : les postes d’internat non pourvus en psychiatrie ne cessent d’augmenter. De 1 à 4 % en moyenne il y a quelques années, les emplois vacants sont passés à 11 % en 2020 et 13 % en 2021.
Des simulations plutôt que des cours magistraux ?
Pour comprendre les raisons de ce manque d’attractivité de la filière psychiatrie, l’association nationale des internes en psychiatrie (AFFEP), l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) et l’Association des jeunes psychiatres et jeunes addictologues (AJPJA) se sont associés en mai dernier pour réaliser une enquête nationale transgénérationnelle : #ChoisirPsychiatrie. Étudiants en 1er et 2e cycle, internes mais aussi jeunes psychiatres en exercice : 3 400 personnes ont répondu à l’étude en ligne.
Premier constat : alors qu’un étudiant sur 7 déclare avoir fait médecine pour choisir la psychiatrie, ils ne sont plus qu'un sur 10 à vouloir conserver ce choix de carrière après avoir entamé des études de médecine. Le cursus fait donc pencher la balance. « Un étudiant sur quatre trouve que la durée d’enseignement des cours de psychiatrie n’est pas adaptée et la moitié que la forme n’est pas adaptée, par exemple lorsqu’il s’agit de cours magistraux », détaille Nicolas Lunel, président de l’ANEMF, qui préconise de favoriser les enseignements « avec des simulations ou des patients experts, et ne plus seulement survoler des listes de pathologies ».
Les stages provoquent des vocations
En revanche, les stages se révèlent un très puissant facteur d'attractivité. Alors qu’une large majorité d'externes passent au moins une fois dans un service de psy, « ils recommandent largement ces stages à leurs camarades et leur attribuent une note moyenne de 8/10 », se félicite le président de l’Anemf. Une expérience très incitative : selon l’enquête, le fait d’avoir fait un stage en psychiatrie multiplie par quatre l’envie de choisir cette spécialité à l’issue des ECN. « C’est au moment du stage d’externat que la vocation pour la psychiatrie naît », confirme Ilia Humbert, interne en psychiatrie et présidente de l'AFFEP.
L’enquête montre ainsi que 93 % des internes qui ont choisi finalement psychiatrie avaient déjà découvert la spécialité au cours d’un stage de deuxième cycle. « C’est pourquoi nous plaidons pour que ces expériences deviennent obligatoires », affirme-t-elle. Pour renforcer cette dynamique, Nicolas Lunel (Anemf) recommande « d’ouvrir davantage les stages en libéral ou en secteur médico-social », la majorité des carabins passant surtout par des CHU.
Déstigmatiser
Le contact avec les patients en stage participe également à déstigmatiser la spécialité. C'est du moins l’une des hypothèses de l'étude, alors la filière reste victime d'idées reçues souvent véhiculées par le corps médical lui-même. Ainsi, selon une précédente étude menée par l’AFFEP en 2015, 56 % des internes (toutes spécialités) pensent qu’un interne en psychiatrie a probablement, lui-même, des antécédents psychiatriques ou qu’il est « bizarre ». Un tiers d’entre eux estiment que les internes en psychiatrie sont des « tire-au-flanc », 30 % que l’interne a raté ses ECN et devrait « mal finir » car la psychiatrie est « contagieuse ».
Or, « c’est un mythe total de dire que l’on choisit la psychiatrie par défaut ! », interpelle la Dr Déborah Sebbane, psychiatre et présidente de l’AJPJA. Parmi les jeunes psychiatres en exercice, 95 % affirment avoir choisi délibérément cette spécialité, « et la grande majorité en sont fiers », surenchérit-elle. « La psychiatrie est souvent représentée comme une voie de garage mais pas du tout : 82 % des internes l’avaient même sélectionnée en premier choix », ajoute Ilia Humbert.
Des lacunes de formation
Alors que la pratique de la psychiatrie requiert un approfondissement permanent des connaissances, un tiers des internes interrogés jugent leur formation théorique insatisfaisante, voire très insatisfaisante. Et 20 % d'entre eux affirment rencontrer des difficultés importantes à obtenir des demi-journées de formation lors de l’internat. Un point crucial à améliorer pour Ilia Humbert, car à défaut, la vocation pour la psychiatrie risque de s’éteindre. Preuve en est : « 40 % des internes en psychiatrie disent ne pas être certains d’être encore psychiatres dans 10 ans ».
Chez les internes comme chez les jeunes diplômés, l’attrait de l’exercice libéral s'améliore avec 25 % qui envisagent ce mode d’exercice dans les années à venir. « Le secteur public attire de moins en moins les jeunes générations, on voit nos collègues partir définitivement », confirme la Dr Marine Lardinois vice-présidente de l’AJPJA. Toujours selon l’étude, les jeunes confrères plébiscitent le développement de soins psychiatriques ambulatoires et le travail en réseau.
« Pour la coupe du monde, un ami a proposé quatre fois le prix » : le petit business de la revente de gardes
Temps de travail des internes : le gouvernement rappelle à l’ordre les CHU
Les doyens veulent créer un « service médical à la Nation » pour les jeunes médecins, les juniors tiquent
Banderole sexiste à l'université de Tours : ouverture d'une enquête pénale