20 % des jeunes femmes médecins ont été exposées au harcèlement sexuel au cours de leurs études, révèle une enquête* menée par des chercheurs de l'Université d'Aix-Marseille, publiée dans la revue scientifique « Journal of Affective Disorders ».
L'équipe a diffusé (via les réseaux sociaux, les associations locales et les facultés) un questionnaire en ligne afin d'évaluer l'exposition au harcèlement sexuel et aux violences sexuelles professionnelles au cours des études de médecine. 2 003 externes, internes et jeunes médecins jusqu'à deux ans après la thèse (dont 1 443 femmes et 560 hommes) ont participé à cette enquête entre le 1er avril et le 30 juin 2019.
Insinuations, SMS douteux et surnoms sexistes
Résultat : 15,7 % des jeunes déclarent avoir été exposés au moins une fois au cours de leurs études de médecine à une situation de harcèlement sexuel, les femmes étant beaucoup plus touchées (20 %) que les hommes (5 %). Un résultat comparable à la population générale des femmes actives en France. Les services de chirurgie et d'anesthésie sont plus à risque que les autres services hospitaliers.
« Nous savions qu'il y a une culture carabine mais nous pensions trouver des chiffres moins importants, on pouvait penser que les jeunes femmes médecins sont plus protégées. Malheureusement, ces comportements de violences et de harcèlement sexuel au cours des études médicales sont plus banalisés que ce que l'on pense, ce n'est pas un épiphénomène », analyse le Dr Guillaume Fond, psychiatre à l'AP-HM, enseignant chercheur et co-auteur de l'étude.
Les résultats confirment la fréquence des violences verbales à caractère sexuel. 40 % des jeunes affirment avoir subi des insinuations sexuelles lors de leurs études, 36 % rapportent des surnoms sexistes et 21 % ont essuyé des sifflements ou regards déplacés. La prévalence des agressions d'ordre sexuel est beaucoup plus marquée chez les jeunes femmes avec une forme de banalisation. 88 % d'entre elles disent avoir été victimes d'insinuations sexuelles au cours du cursus, 89 % ont subi des surnoms sexistes et 96 % des sifflements ou regards déplacés.
Parmi les autres violences citées, 197 jeunes femmes ont déclaré avoir subi des gestes déplacés (soit 14 % du panel), 124 des propositions de rapport sexuel (8,5 %) et une quarantaine d'entre elles évoquent des SMS/e-mails ou des propositions d'avantage contre une faveur sexuelle.
Les supérieurs peu sollicités
Parmi l'ensemble des victimes de harcèlement sexuel, moins de 15 % seulement ont rapporté ces violences à un senior, une association, la faculté ou la direction de l'établissement. En revanche, les jeunes victimes se confient plus facilement à leurs pairs externes (68 %) et internes (49 %). Parmi ceux qui ne rapportent pas les faits de harcèlement, 75 % pensent que ce n'est pas utile, 61 % que ce n'est pas important, 50 % ne savent pas à qui s'adresser et 28 % ont peur des représailles.
La quasi-totalité des victimes estiment en tout cas que ces violences sexuelles se sont vraisemblablement poursuivies auprès d'autres personnes. « Il y a une culture du silence dans certains services, souligne le Dr Guillaume Fond. C'est pourquoi il faut instaurer un circuit direct de signalement pour le harcèlement sexuel et insister sur le fait que ces comportements sont anormaux. »
*Enquête nationale par questionnaire anonyme en ligne diffusé entre le 1er avril et le 30 juin 2019 auprès des étudiants et jeunes médecins : 842 sont externes, 930 internes, 229 assistants et chefs de clinique thésés depuis moins de deux ans.
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