En matière de responsabilité de la permanence de soins, la partie se joue sur deux terrains. L'hôpital et la ville ne cessent de se renvoyer la balle. Et entre établissements, les hôpitaux publics et les cliniques font parfois de même.
Hier à la tête de la Fédération hospitalière de France (FHF), Frédéric Valletoux – désormais député Horizons – ne manquait pas une occasion d'épingler les libéraux, en réclamant le retour des gardes obligatoires. Son successeur Arnaud Robinet, plus diplomate, appelait cet automne « à une union sacrée avec l'ensemble des parties prenantes et notamment les médecins généralistes pour garantir l’accès aux soins ».
Mais c'était avant le mouvement de grève d'une partie des généralistes entre Noël et Nouvel an dont la baisse d'activité – de l'ordre de 10 % selon la Cnam – s'est mécaniquement répercutée sur les urgences hospitalières. Depuis, le maire de Reims a un peu plus de mal à retenir son agacement à l'endroit de la médecine de ville. Et l'appel à la grève de la PDS lancé par la CSMF depuis le 23 janvier lui est resté en travers de la gorge. « Il y a un moment où chacun doit prendre sa responsabilité, a-t-il confié la semaine dernière devant l'association des journalistes de l'information sociale (Ajis). Je le dis car je suis aussi très ouvert au dialogue avec la médecine libérale ». Le bon exemple de « vraie coopération » intelligente entre la ville et l'hôpital est à ses yeux les maisons médicales de garde (lire aussi page 11) adossées aux hôpitaux. « Tenues par des généralistes, elles permettent de bien réorienter les patients », souligne-t-il.
Dialogue compliqué
Avec les cliniques, le dialogue de l'hôpital sur la permanence des soins en établissement (PDS-E) semble encore plus compliqué, alors que le gouvernement a sommé les uns et les autres de travailler ensemble. « Aujourd'hui, dans les trois grandes villes de ma région, Strasbourg, Nancy et Reims, les établissements privés lucratifs ont fermé leurs urgences, déplore Arnaud Robinet. C'est une question de rentabilité financière pour eux. Lorsqu'il manque de personnel aux urgences, l'hôpital public se réorganise et redéploie les personnels, quitte à déprogrammer des interventions ailleurs. Le privé préfère les fermer. L'ARS Grand Est a dû taper du poing sur la table ».
Mais son homologue de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) balaye ces critiques. Lors de ses vœux publics début janvier, Lamine Gharbi s'est vanté des bons points reçus du chef de l'État. « Il a dit qu’il comptait sur le privé, sur notre engagement dans la permanence des soins, a-t-il souligné. La période des fêtes de fin d’année n’a pas fait exception, avec de multiples illustrations partout en France de solidarité entre services d’urgences publics et privés, et de fluidité avec les services d’aval ». En Île-de-France, la directrice générale de l'ARS, Amélie Verdier, aurait même salué les « modes de fonctionnements solidaires » des cliniques, par un Sms au président de la FHP.
Lignes communes
Il demeure que, souvent, public et privé sont logés à la même enseigne. Le 17 janvier, le centre hospitalier intercommunal de Fréjus Saint Raphaël a annoncé « un fonctionnement limité » de ses urgences, se limitant à la prise en charge des patients en risque vital. Conséquence : le directeur de l'ARS Paca a déclenché le plan blanc de niveau 2, qui concerne aussi « les établissements privés du territoire ».
Les nouveaux projets régionaux de santé (PRS) sur lesquels les ARS ont commencé à travailler pourraient accélérer cette coopération. L'Igas leur recommande justement d'y « revoir le schéma de permanence des soins en établissement en s’assurant de la mise en place de lignes communes publiques/privées et non dédoublées ». Et lors de son discours de vœux au CH de Corbeil-Essonnes, Emmanuel Macron a suggéré qu'il faudrait « un système de rémunération qui incite mieux » les hôpitaux privés à participer à la PDS.
Le travail de nuit, chantier promis
À l'échelle des personnels soignants, « il faut ouvrir le chantier sur la rémunération du travail de nuit et de la permanence », a admis le chef de l'État. Une négociation que les syndicats de praticiens hospitaliers n'ont cessé de réclamer depuis des mois.
Action praticiens hôpital (APH) défend « le décompte réel du temps de travail et son affichage » pour prendre en considération « l’exacerbation d’une pénibilité qui, sur les horaires de la permanence des soins, repose quasi exclusivement sur le système hospitalier ». Selon son enquête « Nuits blanches » réalisé avant l'été dernier, 75 % des PH risquent de quitter l’hôpital dans les cinq ans… à cause de la PDS. Dans cette étude, les praticiens – tous statuts – estimaient à 200 euros net la valeur plancher de l’indemnisation nécessaire des astreintes, et à 600 euros nets la valeur de la sujétion des gardes. Mobilisé de longue date sur ce sujet, le SNPHARe appelle lui aussi de ses vœux la revalorisation pérenne des indemnités de garde, du travail en astreinte et du temps de travail additionnel : 650 euros brut pour cinq heures de travail supplémentaire.
Un premier élément de réponse a été apporté avec les majorations estivales (en partie prolongées jusqu'en mars), notamment le bonus de 50 % du montant de l'indemnité de sujétion des PH, de l'indemnité de garde des PU-PH ainsi que des internes. Une rustine – dont le coût provisoire est estimé à 600 millions d'euros par la FHF –, en attendant que le ministre lance le vaste chantier promis.
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