Après avoir souvent fonctionné en mode dégradé de façon subie (fermetures ponctuelles ou complètes notamment l’été), les urgences poursuivent leur réorganisation en mobilisant tous les leviers possibles, de l’amont à l’aval, de façon à assurer la continuité des soins dans un contexte de pénurie médicale.
Le premier axe de restructuration est organisationnel. Les agences régionales de santé (ARS) peaufinent les schémas régionaux de santé, censés réformer les autorisations de médecine d’urgence d’ici à cet automne. Alors que nombre de services d’accueil des urgences (SAU) peinent à maintenir un accès en continu, faute de bras, certains seront bientôt appelés à se transformer en antenne de médecine d’urgence. Formalisées par décret fin 2023, ces structures pourront traiter les urgences sur des plages horaires définies, sans être ouvertes 24h/24, tous les jours. Une évolution qui peut interroger, alors que la Cour des comptes soulignait, dans un rapport paru en fin d’année dernière, que « la médecine d’urgence a pour vocation de prendre en charge, tous les jours de l’année, 24h/24, toute personne, sans sélection, nécessitant des soins urgents ».
Mais gare au procès d’une médecine d’urgence au rabais : ces antennes doivent au contraire recréer de nouveaux points d'accès. « Le but est d’adapter l’offre de soins aux besoins de la population avec une fermeture en nuit profonde, pas de la dégrader, assure la Pr Sandrine Charpentier, présidente de la Société française de médecine d’urgence (SFMU). L’urgence vitale est préservée car ces antennes sont reliées au Smur qui fonctionne en continu ». Pour autant, quel type de SAU pourrait se transformer en « simple » antenne de médecine d’urgence ? « Ce sont les petits services qui sont concernés, éclaire le Dr Marc Noizet, chef de file de Samu-Urgences de France. On ne va pas fermer ceux qui cumulent 50 000 passages ».
On ne transforme pas un SAU en antenne sans garantir une alternative aux patients
Dr Agnès Ricard-Hibon, urgentiste dans le Val-d’Oise
Équipe territoriale
En région Occitanie, une dizaine d’établissements pourraient transformer leur SAU en antenne de médecine d’urgence, de source syndicale. « Mais en pratique, ce ne sera que trois ou quatre établissements parce que les autres n’ont pas souhaité basculer, par crainte de fermeture », analyse la Pr Charpentier. « Ces antennes créent parfois l’incompréhension des élus locaux et des professionnels de santé du territoire, concède la Dr Agnès Ricard-Hibon, urgentiste dans le Val-d’Oise et présidente honoraire de la SFMU. Mais ce qu’il faut comprendre, c’est qu’on ne transforme pas un SAU en antenne sans garantir une alternative aux patients ». Un des points clés sera la réorientation vers la médecine de ville.
Reste aussi les craintes d’effet d’aubaine, liées aux plages horaires réduites de ces antennes qui, par définition, n’imposent pas aux urgentistes de travailler en nuit profonde. De quoi nuire à la permanence des soins ? Le Dr Marc Noizet écarte cette hypothèse. « En transformant des services d’urgence en antennes, il faudra quand même réinjecter de la ressource ailleurs ! C’est pour cela que le texte a formalisé la notion d’équipe territoriale ». Autrement dit, la charge de la permanence des soins devra être répartie équitablement, dans le cadre de la nouvelle carte des autorisations.
Filières directes spécialisées
Autre défi pour soutenir les urgences hospitalières, l’orientation mieux fléchée des patients dès la régulation par téléphone. Pour y parvenir, la SFMU comme le syndicat SUdF plaident pour un déploiement massif des filières spécialisées au sein de tous les services d’accès aux soins (SAS, qui couvrent 97 % de la population), notamment en gériatrie, pédiatrie et psychiatrie. « On a un véritable service rendu partout où on a mis en place ces filières », soutient le président de Samu-Urgences de France. En psychiatrie, neuf filières ont été créées au sein des SAS et les retours sont positifs. « Les premières études dans les sites pilotes indiquent que cela évite 80 % des passages aux urgences grâce à une réorientation directe vers les CMP par exemple », s’enthousiasme le Pr Anthony Chauvin, praticien hospitalier à l’AP-HP. Ces résultats sont d’autant plus rassurants sachant que « 32 % des structures d’urgences hospitalières n’ont pas de psychiatres », souligne-t-il.
Au-delà des SAS, le ministère promet une « feuille de route stratégique » dédiée cette fois à l’organisation de l’aval des urgences, s’appuyant sur les bonnes pratiques qui ont fait leurs preuves (hospitalisations directes, médicalisation des Ehpad, centres de crise en psychiatrie, etc.).
Non au numéro unique
Enfin, la SFMU et le SUdF militent pour conserver le recours au 15 (interconnecté avec la PDS libérale) pour réguler l’accès aux urgences, et donc abandonner le projet de numéro unique avec les pompiers. En cours, l’expérimentation consistait à regrouper les appels du 15, du 18 et éventuellement du 17 (police) vers une généralisation d’un numéro unique. « Conserver le 15 est primordial, d’autant plus qu’en cas d’urgence vitale difficilement décelable, avec des symptômes d’une gastro qui pourraient finalement être un infarctus par exemple, les premiers mots exprimés par les patients sont très importants, appuie la Dr Agnès Ricard-Hibon. On ne peut pas prendre le risque d’avoir un premier intermédiaire non médical pour ce genre d’appels ».
Lors du congrès Urgences 2025, Yannick Neuder a rassuré les urgentistes en écartant l’idée de ce fameux numéro unique d’urgence, très clivant. « Cette idée est séduisante sur le papier mais impose une rupture organisationnelle majeure, a recadré Yannick Neuder. Aujourd’hui, les conditions ne sont pas réunies pour aller plus loin. »
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