Du bilan complet aux nouvelles technologies

Retarder la perte d'autonomie par la détection des premiers signes de fragilité 

Par
Publié le 08/11/2018
Article réservé aux abonnés
Déambulateur

Déambulateur
Crédit photo : TEK IMAGE/SPL/PHANIE

Au début des années 2000, la notion de fragilité a d'abord été abordée sous l'angle somatique. L'équipe de la gériatre américaine Linda Fried avait alors proposé de mesurer la fragilité par le biais d'un score comportant cinq critères : fatigue ou mauvaise endurance, perte de poids, faiblesse musculaire, ralentissement de la vitesse de marche, sédentarité ou faible activité physique. « Cette approche a très vite été considérée comme réductrice. En effet, les experts ont souhaité tenir compte d'autres aspects, tels que la fragilité cognitive, psychologique et sociale », souligne le Pr Athanase Bénétos, gériatre au CHRU de Nancy.

Repérage personnalisé

La notion de fragilité a fait l'objet de multiples définitions. En gériatrie, un patient est considéré comme fragile lorsqu'il n'arrive pas à retrouver son état antérieur de façon complète et rapide à la suite d'une agression ou d'un stress (hospitalisation, chute, perte d'un proche…). « La fragilité est l'étape qui précède la perte d'autonomie. Notre travail en tant que gériatrie est notamment de détecter cette étape chez nos patients pour ralentir le processus de fragilité et leur donner un maximum de chance de répondre de façon adéquate aux événements stressants de la vie. L'objectif étant de retarder, voire éviter, la perte d'autonomie », note le Pr Bénétos.

Ainsi, toute la difficulté consiste à détecter les premiers signes d'une perte d'autonomie sous-jacente, en l'absence de prise en charge. « Il est d'usage de procéder au repérage de la fragilité chez les patients ayant au moins 70 ans. Mais cette règle ne doit pas exclure le repérage individuel. Par exemple, face à un patient de 63 ans, en rupture professionnelle (retraite récente), psychologique et sociale (isolement), le dépistage de la fragilité s'avère nécessaire », indique le Pr Bénétos.

Bilan complet

Un questionnaire rapide (moins de 10 minutes), réalisable par tout professionnel de santé, permet d'effectuer un premier tri. Les patients qui, d’après ce premier test, présentent des signes de fragilité doivent bénéficier par la suite d'une évaluation gérontologique standardisée. Celle-ci comporte notamment un questionnaire nutritionnel, cognitif, psychologique ainsi que des mises en situation et un examen clinique. « Ce bilan complet permet d'identifier les domaines qui souffrent (somatique, psychologique, cognitif, social…) et qui créent les cascades gériatriques », affirme le Pr Bénétos. L'évaluation du médecin doit être complétée par celle d'autres professionnels : kinésithérapeutes, psychologues, assistants sociaux…

Aujourd'hui, le repérage de la fragilité n'a pas seulement pour objectif de ralentir la perte d'autonomie, il permet également d'établir le rapport bénéfice/risque d'une intervention ou d'un traitement lourd et chronique. Les gériatres travaillent ainsi, plus en plus, en collaboration étroite avec les autres spécialistes (oncologues, orthopédistes, cardiologues…).

La recherche sur la prévention de la dépendance est, par ailleurs, en ébullition. Un important projet européen (étude H2020 « FrailSafe ») étudie actuellement la valeur ajoutée des nouvelles technologies dans le dépistage de la fragilité. « Il s'agit notamment de capteurs de mouvement, de jeux intelligents et de GPS que nous disposons au domicile des patients afin de pouvoir bénéficier en temps réel d'une multitude de données les concernant (mouvements, capacités cognitives, rythme respiratoire et cardiaque, pression artérielle…). Cette étude qui se termine le 30 avril prochain permettra d’ouvrir de nouvelles voies dans le domaine de la prévention gériatrique  », conclut le Pr Bénétos. 

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin: 9700