Alors que le Nutri-Score a fait son entrée le 8 mai dans le dictionnaire Larousse, sa généralisation en Europe achoppe encore sous la pression des lobbys industriels, dénoncent 320 scientifiques et professionnels de santé dans un rapport publié ce 11 mai. Ce document de 61 pages, s’appuyant sur 105 références bibliographiques, marque leur mobilisation en faveur de l’adoption par la Commission européenne de ce logo nutritionnel apposé sur les emballages alimentaires.
Dans le cadre de la stratégie « De la ferme à la fourchette », la Commission devait présenter une proposition d'étiquetage harmonisé et obligatoire avant la fin 2022 pour lutter contre les régimes alimentaires malsains. Depuis, de « puissants lobbys » se mobilisent pour retarder, voire empêcher, la concrétisation de cette promesse.
Les « pressions anti-Nutri-Score » viennent des grandes entreprises alimentaires, de certains secteurs agricoles, mais aussi des partis politiques et des gouvernements, déplorent les signataires du rapport dans un communiqué du Groupe européen des scientifiques et professionnels de la santé soutenant Nutri-Score (GESHPSN).
L’Italie notamment est parvenue à rallier Chypre, la Grèce, la République tchèque, la Roumanie ou encore la Hongrie contre la généralisation d’un tel dispositif. Malgré « des arguments absurdes et malhonnêtes et de nombreuses "fake news" », l’adoption d’un log nutritionnel a été repoussée à une date indéterminée en 2023, est-il déploré, laissant craindre un report plus lointain encore avec les élections européennes de 2024.
« La Commission parle d’une situation "complexe", alors qu’il est notoire que son hésitation est liée aux pressions des lobbys et notamment à l’opposition violente de l’Italie, qui défend les intérêts commerciaux de certains de ses secteurs agroalimentaires », s’indignent les signataires. Et de dénoncer les tentatives d’imposer un dispositif alternatif, le Nutrinform, « dont la totale inefficacité à guider les choix des consommateurs a été établie par de nombreuses études ».
Plus d’une centaine d’études favorables depuis 2014
Pour faire entendre leur voix dans le débat actuel, les auteurs du rapport déploient les arguments en faveur d’un logo nutritionnel « harmonisé et obligatoire » en Europe. Ils citent d’abord les « très nombreuses études scientifiques » (plus d’une centaine depuis 2014) qui valident l’algorithme de calcul du Nutri-Score (notamment des études de cohortes impliquant plus de 500 000 sujets avec un suivi à long terme). Le logo se révèle efficace pour orienter les choix vers des aliments de meilleure qualité nutritionnelle.
Ils rappellent aussi la récente mise à jour de l’algorithme destinée à corriger certaines de ses « limites ». Une première évolution des modalités de calcul avait été adoptée en juillet 2022, permettant par exemple aux volailles d’être mieux classées que les viandes rouges. Le 30 mars dernier, le comité scientifique remettait un nouveau rapport sur les boissons. Celles à base d’édulcorants devraient voir leur score se dégrader, leur bénéfice en termes sanitaires par rapport aux sucres classiques n’apparaissant pas crucial.
Les signataires évoquent ensuite le rapport du Centre commun de recherche européen (JRC) publié en septembre 2022 selon lequel « les consommateurs, y compris ceux à faibles revenus, préfèrent les logos simples, colorés et évaluatifs (comme Nutri-Score) par rapport aux logos monochromes non évaluatifs plus complexes (comme Nutrinform) ».
Déjà adopté dans sept pays européens
Ils mentionnent enfin le soutien au Nutri-Score de nombreuses associations scientifiques, sociétés savantes, associations de consommateurs et ONG. Son adoption formelle dans sept pays européens (France, Belgique, Allemagne, Espagne, Pays-Bas, Luxembourg et Suisse) démontre « la faisabilité de son déploiement, le soutien fort des consommateurs qui l’utilisent et son impact sur les ventes des aliments dans les supermarchés conforme à ses objectifs ».
Les auteurs entendent également tordre le cou aux arguments des opposants avec « des réponses scientifiques à des questions qui peuvent être légitimement posées concernant Nutri-Score, mais qui sont souvent utilisées de façon malhonnête et surexploitées par les lobbys pour essayer de (le) discréditer ».
« Il est clair que l’adoption du Nutri-Score en Europe contribuera à aider les consommateurs européens à tendre vers des choix alimentaires plus favorables sur le plan nutritionnel et à réduire leur risque de développer des maladies chroniques liées à la nutrition, telles que l’obésité, les maladies cardiovasculaires, le diabète, l’hypertension, les cancers… qui constituent des problèmes de santé publique ayant un coût humain, social et économique majeur dans toute l’Europe », concluent-ils.
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