La Haute Autorité de santé (HAS) publie ses toutes premières recommandations sur la prise en charge médicale du parcours de transition chez l’adulte, après sa saisine en 2021 par le ministère de la Santé. Elles devraient être endossées, et donc effectives, d’ici à la rentrée. Le médecin généraliste y a une place centrale.
Le travail de la HAS sur ces recommandations s’est effectué dans un climat tendu : fuite d’informations sur les membres du groupe de travail, de documents confidentiels ou encore atteintes à la vie privée. Le Pr Lionel Collet, président de la HAS, a tenu à rappeler devant la presse le statut d’indépendance totale de la HAS par rapport aux pouvoirs politiques, au milieu industriel ou aux groupes de pression. « Nous devons pouvoir travailler sereinement. C’est un élément essentiel, il en va de la qualité de l’expertise sanitaire de notre pays et, au-delà, de la qualité de notre système de santé qui se base sur ces expertises. »
Faute d’un consensus scientifique robuste pour la prise en charge des mineurs transgenres, la HAS abordera le sujet dans un autre volet qui se basera en grande partie sur des avis d’experts. Le début de ce travail est prévu pour début 2026.
Dépsychiatrisation de la transidentité
Ces recommandations s’inscrivent dans un contexte de dépsychiatrisation de la transidentité depuis 2018. En conférence de presse, le Pr Lionel Collet et Claire Compagnon, présidente de la commission Recommandations, pertinence, parcours et indicateurs (CRPPI) à la HAS, insistent sur le fait que « l'identité de genre n’a pas à faire l'objet d'une évaluation psychiatrique systématique ».
« Pour autant, nuance Claire Compagnon, ce n’est pas une démarche neutre et la personne, si elle le souhaite, peut bénéficier d’un accompagnement psychologique selon ses besoins et sans retarder outre mesure la prise en charge. » En 2023, on comptait un peu plus de 22 000 personnes en ALD 31 (hors liste) pour un parcours de transition de genre : si la transidentité n’est plus considérée comme une maladie, la décision d’entamer une transition fait intervenir des acteurs psychosociaux et médicaux, couverts par ce dispositif.
« Les études et témoignages montrent une très grande hétérogénéité de soins reçus par les personnes, ce qui est source d’inégalités et de discriminations, explique Lionel Collet. Ces difficultés, qu’il s’agisse de refus de prise en charge ou de délais trop longs, exposent les patients à un risque de renoncement aux soins et à une très grande pratique d’automédication, ce qui s’ajoute à des vulnérabilités importantes. » Précarisation économique et sociale notable, surrisque de violences, notamment dans l’espace public, et surrisque de troubles anxiodépressifs peuvent parfois conduire au suicide. « L’accès aux soins des personnes trans n’est pas un confort mais un enjeu vital », défend Claire Compagnon.
Accompagner la démarche sans la remettre en question
Le groupe de travail a souhaité « outiller les professionnels, clarifier et structurer cette prise en charge sur le territoire national », commente Claire Compagnon. La HAS a mis à disposition en ligne ses recommandations, l’argumentaire et deux fiches synthèse (parcours de soins, prise en charge). Y sont détaillés la conduite à tenir devant une demande de transition, les interventions hormonales et chirurgicales ainsi que les soins d’accompagnement.
Pour chaque acte intégré au parcours de transition, le professionnel de santé s’assure que la personne concernée reçoit une information claire, loyale et adaptée, puis recueille son consentement libre et éclairé aux soins proposés. « Le fil rouge de ces recommandations est d’écouter, de respecter et d’éclairer la décision de procéder à une transition. Il ne s’agit pas de la remettre en question mais d’accompagner la personne dans sa démarche, indique Claire Compagnon. L’élément clé est d’individualiser l’accompagnement afin d’aider la personne transgenre à identifier et formuler ses choix. »
Les experts demandent par ailleurs une inclusion des diversités d’identité de genre dans toute prise en charge médicale : « Les personnes trans ont les mêmes besoins en soins de santé globale que la population générale et doivent avoir un suivi et une prise en charge comparables à la population générale pour leurs soins courants », lit-on dans le document. Ce qui passe par des protocoles adaptés (dépistage de cancers), un accueil sans jugement et sans différence de traitement mais aussi « la reconnaissance pleine et entière du genre exprimé » en utilisant les prénoms et pronoms d’usage « dans toutes les communications ».
Un parcours personnalisé et évolutif
La fiche pratique pour les généralistes fait le point sur l’ensemble des actes possibles dans un parcours de transition et liste les professionnels de santé vers lesquels le médecin traitant peut orienter ses patients (endocrinologues, psychiatres, médecins de la fertilité, gynécologues, urologues, chirurgiens plasticiens, psychologues, travailleurs sociaux, médecins du travail).
Le parcours est adapté dans le temps en fonction des besoins de chacun. La HAS demande donc de répondre aux demandes de chirurgie de réassignation de genre « selon les mêmes modalités et dans les mêmes délais que pour les autres demandeurs », avec néanmoins un délai de réflexion « raisonnable et proportionné » pour les interventions irréversibles.
Pour les traitements hormonaux féminisants, les experts préconisent d’abord la seule prise de 17 bêta-œstradiol pour freiner la testostérone mais, si c’est insuffisant, des bloqueurs de testostérone pourront être administrés (spironolactone, agonistes de la GnRH).
Pour les hormones masculinisantes, la voie d’administration (percutanée ou injectable) est à adapter aux souhaits du patient, la dose devant être définie à partir des bilans sanguins et symptômes cliniques.
Dans les deux cas, « la surveillance hormonale se fait à trois mois, puis à une fréquence adaptée jusqu’à ce que le dosage soit dans les valeurs de référence, puis une fois par an », lit-on. L’ensemble des traitements hormonaux peut être prescrit par un généraliste, y compris la primoprescription si le médecin est formé. En ce sens, la HAS est en contact avec la Conférence des doyennes et des doyens de médecine pour développer la formation médicale et continue, puisqu’aujourd’hui les diplômes universitaires existants sont trop peu nombreux et inégalement répartis sur le territoire.
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