Déjà connu pour sa neurotoxicité au sein de plusieurs régions cérébrales, le plomb serait particulièrement nocif pour la rétention mémorielle des enfants exposés durant le troisième trimestre de la grossesse ou pendant les premières années de leur vie. Une étude mexicaine met en évidence une corrélation entre l’exposition précoce au plomb, même en très faibles quantités, et la vitesse d’oubli d’une information, « un marqueur critique de troubles de la mémoire ayant de possibles implications dans l’apprentissage et le développement », lit-on dans l’étude.
Les chercheurs ont évalué la capacité de plus de 500 enfants, âgés entre 6 à 8 ans au moment de l’étude, à mobiliser un souvenir fidèle lors d’un test « delayed matching-to-sample task » (DMTS), une tâche cognitive permettant d’évaluer, entre autres, la mémoire de travail et l’attention. Ici, les enfants devaient reconnaître parmi trois images celle qui leur avait été présentée 1, 2, 4, 8, 16 ou 32 secondes auparavant. Les résultats sont publiés dans Science Advances.
Un effet sur la mémoire qui augmente avec la dose
Sans ajustement, les résultats sont significatifs pour les niveaux de plomb dans l’enfance et au troisième trimestre de grossesse mais pas au second. Après ajustement sur le score de quotient intellectuel (QI) de la mère, l’âge de l’enfant et son genre, seule l’exposition au plomb au moment où les enfants avaient entre 4 et 6 ans était significativement associée à un taux d’oubli plus rapide, et ce, même pour de faibles concentrations sanguines (1,7 µg/dl en médiane).
Les enfants plus âgés et ceux dont la mère a un QI plus élevé avaient un taux d’oubli inférieur. La plus grande différence d’efficacité de la mémoire de travail est constatée entre les taux les plus faibles et les plus forts de plomb sanguin. Ainsi, quel que soit le niveau d’exposition durant le développement du cerveau de l’enfant, ce métal lourd altère la mémoire de travail, de façon dose-dépendante.
Identifier les fonctions cognitives spécifiques pour des interventions ciblées
D’après les chercheurs, la majorité des études épidémiologiques utilisent des indices performatifs non spécifiques : intelligence, capacités cognitives globales, etc. Le test DMTS utilisé, plus spécifique, permettrait d'identifier les aires cérébrales et les aspects des fonctions cognitives affectés, et par conséquent de développer des interventions comportementales et cognitives. Les auteurs suggèrent aussi que l’altération de la mémoire contribue à d’autres troubles cognitifs associés au plomb (traitement de l’information spatiotemporelle, capacités verbales ou quantitatives et fonctions exécutives), ce qu’ils invitent à explorer.
« Il n’y a probablement pas plus important que la capacité à former des souvenirs. La mémoire définit qui nous sommes et nos manières d’apprendre », alerte le Dr Robert Wright, pédiatre, toxicologue et épidémiologiste à l’Icahn School of Medicine (Mount Sinaï) et coauteur de l’étude. Alors que la mémoire de travail se développe très rapidement entre 4 et 8 ans puis évolue jusqu’à 12 ans, « d’un point de vue de santé publique, nos résultats soulignent l’importance d’interventions visant à réduire l’exposition des enfants au plomb », plaident les chercheurs.
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