Les progrès de l’impression 3D vont-ils bouleverser en profondeur le monde de la santé et notamment de la chirurgie ?
« Il est clair en tout cas que nous vivons actuellement un vrai tournant avec un mouvement de démocratisation de l’impression 3D et de baisse du coût des machines. Aujourd’hui, un service hospitalier peut s’équiper d’imprimantes très simples d’utilisation et abordables financièrement », souligne le Dr Clément Ernoult, qui exerce dans le service de chirurgie maxillo-faciale du Pr Zwetyenga au CHU de Dijon.
L’impression 3D repose sur l’alignement de couches de divers matériaux pour fabriquer un objet. En utilisant ce procédé, il est possible aujourd’hui de concevoir des dispositifs médicaux ou des prothèses sur mesure. En 2011, une mâchoire en titane, imprimée en 3D, a été implantée pour la première fois, aux Pays-Bas. Deux ans plus tard, une femme hollandaise de 22 ans, a reçu une prothèse de crâne. Et en 2014, une équipe du Michigan a pu sauver trois nourrissons, gravement affectés par une trachéobronchomalacie, en créant sur mesure des attelles bronchiques résorbables que les chirurgiens ont cousues sur les bronches pour les tenir ouvertes.
« Il est probable qu’à l’avenir, des services hospitaliers utiliseront leurs propres imprimantes pour fabriquer des prothèses avant de les implanter aux patients. Mais pour l’instant, ces dispositifs médicaux sont encore fabriqués par quelques sociétés spécialisées », souligne le Dr Ernoult.
De l’intérêt des répliques
Aujourd’hui, les hôpitaux utilisent plutôt des imprimantes 3D à des fins de simulation ou de « planification » chirurgicale. « On peut ainsi imprimer des répliques parfaitement conformes de la zone anatomique du patient sur laquelle on doit intervenir. Cela nous permet de réaliser le geste chirurgical à l’avance. On va ainsi toujours imprimer la zone chirurgicale d’intérêt. Par exemple, on ne va pas imprimer un crâne en entier. Cela serait très joli mais sans intérêt pratique. On conçoit ce dont on a besoin : par exemple, une petite portion de mâchoire avec les dents, un cadre orbitaire ou un condyle, c’est-à-dire la partie articulaire de la mâchoire », ajoute le Dr Ernoult.
Travailler ainsi en amont le geste chirurgical facilite ensuite l’intervention une fois au bloc. « Cela permet de mieux appréhender les dimensions. C’est important en maxillo-facial où les voies d’abord chirurgicales sont relativement petites et étroites », souligne le Dr Ernoult.
L’autre grand défi, dans les années à venir, sera celui de la bio-impression, c’est-à-dire l’impression de la matière vivante cellulaire dans le but de fabriquer des tissus biologiques fonctionnels. En France, une des équipes les plus en pointe dans ce domaine est le laboratoire « bio-ingénierie tissulaire » (unité INSERM 1026) à Bordeaux. Pour l’instant, il reste encore impossible d’imprimer des organes fonctionnels. Comme le soulignait l’INSERM en juillet 2014, l’objectif est plutôt, dans l’immédiat, de « produire des tissus fonctionnels pour créer des modèles prédictifs reproduisant la physiologie de tissus humains ou de tissus pathologiques ». Ensuite, d’ici 3 à 5 ans, on pourrait espérer imprimer des « tissus individualisés, réalisés à partir des cellules du patient » pour développer des « solutions thérapeutiques personnalisées ». Pour l’INSERM, ce n’est que dans 7 à 10 ans qu’on pourra envisager la conception de « tissus implantables pour la médecine régénératrice ».
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