C’EST LE DERNIER contrôle effectué par les inspecteurs de l’Office alimentaire et vétérinaire européen (OAV) dans les abattoirs de volailles français qui a décidé la Commission de Bruxelles à tirer un sérieux coup de semonce. Au lieu des 120 inspecteurs vétérinaires réglementairement prévus, l’OAV n’a en effet dénombré qu’une vingtaine d’équivalents temps plein. En application de la clause de sauvegarde, à défaut d’une remise à niveau des effectifs, Paris a donc été menacé d’une interdiction d’exportation des volailles dans l’ensemble des pays de l’Union. Aussitôt, le ministère de l’Agriculture a déclenché le branle-bas de combat pour mobiliser des renforts vétérinaires. Mais « les services vétérinaires sont aujourd’hui exsangues » et « ils ne disposent plus d’aucune marge suffisante de redéploiement des effectifs pour faire face à la situation », affirme le SNISPV. « Cela fait dix ans, explique au "Quotidien" son président, Benoît Assemat, que nous tirons la sonnette d’alarme au sujet du déficit des contrôles officiels en dénonçant la fragilisation croissante de nos effectifs et la catastrophe potentielle qui menace. L’an dernier, nous nous en sommes encore émus auprès du directeur de cabinet du ministre de l’Agriculture, mettant en avant les risques sanitaires qu’une carence entraîne pour les consommateurs. Peine perdue. Il aura donc fallu que Bruxelles brandisse l’argument économique pour qu’enfin le gouvernement, jusqu’alors indifférent aux arguments de sécurité alimentaire, se décide à réagir. »
Sans aller jusqu’à souhaiter qu’un vétérinaire soit systématiquement posté devant les lots de volailles abattues, le SNISPV juge qu’un minimum d’informations concernant les élevages (incidents, traitements médicamenteux, etc.) devrait permettre d’adapter les procédures de surveillance. À défaut, la sécurité alimentaire, estime-t-il, n’est plus assurée.
Abattoirs non conformes.
Apparemment mieux pourvus en agents d’inspection, les abattoirs dits de boucherie (ovins, porcins, bovins) n’en présentent pas moins d’inquiétantes disparités, selon les établissements et les régions. La DGAL (direction générale de l’alimentation) les répertorie en quatre catégories, les classes III et IV regroupant les abattoirs non conformes sur le plan sanitaire. Or, selon un rapport de la mission d’audit de l’Inspection générale de l’administration et du conseil général de l’agriculture et de l’alimentation, rapport que « le Quotidien » s’est procuré, 6,6 % des abattoirs de boucherie étaient classés en 2005 dans la catégorie IV ; cependant, s’étonne le rapport, « la loi de finances 2007 n’a prévu aucun objectif ni indicateur dédié pour permettre, malgré son caractère prioritaire, leur mise en conformité ». Aujourd’hui, on estimerait à 47 le nombre de ces établissements qui, sans la pression des élus locaux, auraient dû cesser leur exploitation. Mais là encore, déplore Benoît Assemat, les critères économiques priment sur les règles de sécurité.
Selon le président du syndicat, « le scandale des abattoirs, comme l’avait titré un hebdomadaire, relève surtout de manquements aux pratiques hygiéniques, avec des carcasses souillées lors des manipulations ; c’est particulièrement préoccupant pour les viandes destinées à des filières de transformation longues, comme les viandes hachées. » Des bombes biologiques seraient ainsi lâchées quotidiennement par les abattoirs hors la loi dans les circuits agro-alimentaires de France et d’ailleurs.
Alimentation, pharmacie vétérinaire, bien-être animal, tout le secteur souffre de la pénurie de surveillance. La pérennité des contrôles est aujourd’hui directement menacée dans certains secteurs, comme la restauration commerciale et les remises directes au consommateur, autrement dit les arrière-cuisines des établissements de quartier.
Inquiétude.
Hormis un recrutement de 300 fonctionnaires fin 2000, à la suite de la deuxième crise de l’ESB (encéphalopathie spongiforme bovine), la courbe des effectifs subit en France une érosion constante. « Depuis cinq ans, affirme le président du SNISPV, entre les deux tiers et les trois quarts des personnels partant à la retraite ne sont plus remplacés ; compte tenu de la pyramide des âges de la profession, c’est une évolution suicidaire, alors que le domaine sanitaire devrait représenter une mission émergente et à ce titre échapper à la politique générale des réductions du nombre des fonctionnaires. Pour une population presque équivalente, l’Italie emploie deux fois de personnels pour effectuer les contrôles sanitaires et l’Espagne un tiers de plus, avec une population moindre. »
La France serait-elle en train de devenir le mouton noir de la sécurité sanitaire en Europe ? Le SNISPV a écrit au président de la République pour lui exprimer son « inquiétude » et sa « consternation », alors que la mise en place, au 1 er janvier 2010, d’un nouveau dispositif de pilotage et de coordination doit être confié aux futures DRAAF (directions régionales de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt). Il pourrait remettre en cause la chaîne de commandement directe et unifiée nécessaires à l’exercice de l’autorité sanitaire. À quelques mois de l’entrée en vigueur de cette nouvelle organisation, le ministère de l’Agriculture observe un silence embarrassé sur ses modalités de fonctionnement.
Dénonçant une politique de Gribouille, Benoît Assemat rappelle que 75 % des agents pathogènes pour l’homme trouvent leur origine dans le règne animal. Face aux menaces pour la santé publique, qu’aggravent encore le réchauffement climatique et la mondialisation des échanges, il plaide pour la création d’une nouvelle agence chargée de coordonner, notamment dans les abattoirs, la gestion des risques sanitaires. Une plaidoirie qui peine à se faire entendre dans un secteur où ce sont seules les crises qui ont permis de réaliser des progrès.
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