À l'occasion de la Journée mondiale de la contraception, ce 26 septembre, et de la Journée internationale pour la dépénalisation de l'avortement, ce 28 septembre, Catherine Giboin, membre du conseil d'administration de Médecins du monde en charge des questions de santé sexuelle et de reproduction, appelle à ne pas relâcher les efforts pour défendre les droits des femmes et des couples.
LE QUOTIDIEN : L'accès à la contraception progresse-t-il dans le monde ?
CATHERINE GIBOIN : On estime que l'accès à la contraception a permis de réduire de 40 % la mortalité maternelle dans le monde ces vingt dernières années. Néanmoins, aujourd'hui, 225 millions de femmes qui souhaiteraient éviter ou différer une grossesse n'ont pas accès à des méthodes modernes, pourtant disponibles, plurielles, et abordables. Conséquence : 80 millions subissent une grossesse non désirée. Quelque 22 millions prennent le risque d'un avortement non médicalisé, et 47 000 y perdent la vie.
Les obstacles sont multiples : au niveau de l'offre, la gestion des produits contraceptifs n'est pas simple, leur diffusion géographique est variable, il y a souvent des ruptures de stocks. Dans certains pays, une seule pilule est disponible, qui peut ne pas convenir à toutes les femmes. Seule une offre variée permet une couverture satisfaisante.
Les professionnels de santé ne sont pas toujours au fait des méthodes. Il faut développer le counselling, qui consiste à identifier la contraception adaptée à la femme, l'avertir d'éventuels effets secondaires, la suivre, proposer des alternatives…
Enfin, de nombreuses barrières financières, géographiques, culturelles, religieuses pèsent sur la demande, encore soumise à une chappe de plomb.
Comment une organisation comme MDM peut-elle agir sur ces questions ?
Il faut promouvoir la question de la contraception dans une logique de promotion des droits des femmes et des couples, et non dans une démarche démographique, contre-productive.
Les programmes doivent sensibiliser l'ensemble des professionnels de santé et ne pas s'imposer d'en haut. Par exemple, au Pakistan où l'accès à la contraception, après 10 ans d'amélioration, stagne, nous devons aller au plus près de la demande des femmes. La première méthode est aujourd'hui la ligature des trompes, dans une logique de contrôle. La promotion de la contraception réversible est un enjeu clef et ne sera effective que si tous les professionnels de santé s'y engagent.
Nous adaptons notre plaidoyer aux stratégies nationales et apportons notre soutien aux associations locales. Par exemple, au Niger, nous avons œuvré pour que les femmes mariées n'aient plus à apporter la carte d'identité de leur mari pour avoir une contraception. En RDC, nous soutenons les associations congolaises pour lever l'interdiction qui pèse sur les mineures (qui sont 14 % à recourir à un avortement, dans des conditions qui les mettent en danger). Dans la bande de Gaza, on tente d'améliorer l'accès à la contraception, mais aussi de rendre effectifs des droits méconnus, comme l'interruption volontaire de grossesse pour raisons médicales.
Nous avons une vingtaine de projets à l'international sur la santé sexuelle et reproductive, que ce soit en appui aux associations nationales ou en partenariat avec les systèmes de santé ; nous travaillons aussi dans des contextes de crise, dans les campements de réfugiés, ou auprès de victimes de viol. Nous souhaitons développer nos activités en direction des jeunes, notamment en Afrique francophone, très nombreux, mal informés, et donc en situation de vulnérabilité.
La pénalisation de l'avortement est-elle en train de gagner du terrain, comme pourrait le laisser craindre les évolutions législatives en cours en Pologne* ?
Je veux croire que la tendance est au débat, à l'ouverture, à la mise à plat de ces questions, dans des pays où la loi est très restrictive (Haïti, Burkina Faso, RDC…). Néanmoins, on constate des tentatives de durcissement des législations, en Pologne, mais aussi en Espagne, en Suisse. Il faut en permanence défendre les droits qui ne sont jamais définitivement acquis.
Simone Veil déclarait dans son discours à l'Assemblée nationale en 1974 : « J'ai écouté les femmes. » C'est notre combat : donner la parole aux femmes.
Il y a une grande hypocrisie autour de l'IVG : duand les lois sont restrictives, il y a davantage d'avortements, dans des conditions sanitaires délétères, sans parler des difficultés que rencontrent les professionnels de santé, et des inégalités sociales de santé qui continuent à se creuser. En France, avant 1975, les chiffres faisaient état de 350 000-400 000 avortements clandestins. Aujourd'hui, le nombre d'IVG avoisine les 220 000.
Il faut parler de ces questions ; c'est le sens de ces journées internationales.
Vers l'interdiction totale de l'IVG en Pologne
Le Parlement conservateur polonais a décidé le 23 septembre de poursuivre les travaux sur une proposition de loi interdisant totalement l'avortement à une exception près (lorsque la vie de la femme enceinte est en danger immédiat), et a écarté une autre proposition qui visait à libéraliser la loi actuelle, qui autorise l'IVG lorsqu'il y a un risque pour la santé de la mère, une grave pathologie irréversible détectée chez l'embryon, ou que la grossesse résulte d'un viol ou inceste.
Moins de 2 000 avortements légaux sont pratiqués chaque année en Pologne ; le nombre des IVG clandestines ou à l'étranger est estimé entre 100 000 et 150 000 par les associations. Le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes a condamné la proposition de loi liberticide et réactionnaire, et appelé à une réaction forte des dirigeants et autorités européennes.
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