En psychiatrie, « la part des soins sous contrainte dans les admissions croît de façon préoccupante, atteignant le quart des admissions et représentant 40 % d’entre elles dans certains établissements », alerte Adeline Hazan, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), dans le rapport « Soins sans consentement et droits fondamentaux », publié aujourd’hui chez Dalloz et qui sera mis en ligne mi-juillet.
Après près de 200 visites d’établissements en 12 ans, le CGLPL dresse un constat sans équivoque : « L’hospitalisation à temps plein s’accompagne d’atteintes plus ou moins graves à la dignité et aux droits des patients et singulièrement à leur liberté d’aller et venir », lit-on dans le rapport, soulignant que les établissements deviennent ipso facto des lieux de privation de liberté.
Des atteintes aux droits fondamentaux
Malgré des pratiques variant d’un établissement à l’autre, aucun « n’est totalement exempt d’atteintes aux droits de ses patients », pointe encore le rapport, déplorant l’ampleur et la banalisation de la pratique. Des glissements vers une « contrainte au corps » sont constatés et se traduisent par une « contrainte aux comportements : horaires, tabac, visites, etc., dans un souci de normalisation afin d’organiser la vie collective », poursuit le document.
Ces pratiques se sont développées « hors de tout contrôle réel par des instances institutionnelles », et surtout sans le temps nécessaire à la réflexion pour leur remise en cause par les équipes soignantes. « Le fonctionnement fermé, conjugué aux difficultés matérielles croissantes, entraîne des dérives, limite les prises de distance, ainsi qu’en témoignent de nombreux soignants : “on ne se voit plus travailler” », est-il indiqué.
Plusieurs facteurs favorisent ces atteintes aux droits : « prise en charge aux urgences, conditions matérielles de séjour, impact de l’organisation des soins, connaissance et exercice des droits, etc. », énumère le rapport.
Une psychiatrie de plus en plus sollicitée
Dans un contexte de crise de l’hôpital public, qui n’épargne pas le secteur de la psychiatrie, ce dernier est par ailleurs confronté à « la mutation de la patientèle et de la demande collective : l’évolution de la nature des troubles mentaux, en partie consécutive aux difficultés sociales et à des conditions de vie déstabilisantes, un besoin de sécurité plus ou moins réel mais exacerbé par le discours politique », observe le CGLPL.
Des raisons sécuritaires peuvent miner l’ouverture des unités de soins, par crainte d’une mise en cause et d’une responsabilité en cas de passage à l’acte : « le patient devient dangereux d’abord pour le risque juridique potentiel qu’il fait courir au médecin ou à l’établissement et s’en prémunir peut passer avant le respect des droits du patient », déplore le rapport.
Ce constat plutôt sombre est nuancé par celui d’une évolution des pratiques. Les interlocuteurs du CGLPL « marquent désormais leur intérêt pour le prisme d’observation du CGLPL, reconnaissant les apports d’un “regard extérieur” », est-il observé.
Un appel à des pratiques alternatives
S’inscrivant dans cette logique, le rapport est assorti de 67 recommandations portées par « la certitude, confortée par nombre de ses interlocuteurs, que le respect des droits et de la dignité est une condition de l’efficacité des soins ». Le CGLPL insiste sur la nécessité de développer des pratiques alternatives avec notamment des « prises en charge ambulatoires étoffées et pluridisciplinaires, articulées avec l’offre sanitaire, sociale et médicosociale » en vue de « réduire les périodes d’hospitalisation complète au minimum nécessaire et, par-là, les restrictions de liberté ».
Le CGLPL invite ainsi à une « réforme d’ampleur de la psychiatrie », s’appuyant sur une « pensée nouvelle » et une refonte des lois de 2011 et 2013, dans un contexte où « l’empilement de nouvelles dispositions législatives a abouti à une rigidification des pratiques et à un enfermement des soignants dans les logiques paradoxales du soin et de la sécurité ».
Les ambitions affichées dans la feuille de route pour la santé mentale et la psychiatrie, présentée par l’ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn, en juin 2018, de « garantir des soins coordonnés et soutenus par une offre en psychiatrie accessible, diversifiée et de qualité », se sont heurtées, selon le CGLPL, à un manque de volonté politique de limiter l’hospitalisation sous contrainte et de favoriser les alternatives.
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