La toux chronique concernerait 9,6 % de la population mondiale, avec de grandes disparités selon les régions. Elle se définit comme une toux persistant depuis au moins 8 semaines, selon les conférences de consensus américaines et anglaises. Cette entité est à l'origine d'un handicap majeur pour les patients avec une dégradation de leur qualité de vie.
La prise en charge est codifiée au niveau international, avec une première étape centrée sur l'arrêt du tabac et des médicaments susceptibles de provoquer la toux comme les IEC ou les gliptines. Il est ensuite nécessaire de rechercher une cause fréquente : asthme, bronchite à éosinophiles, reflux gastro-oesophagien (RGO) ou une atteinte rhinosinusienne. « Le RGO est une des étiologies les plus fréquentes et, dans une étude rétrospective menée chez 653 patients que nous présentons lors de ce congrès, il est authentiquement impliqué chez plus d'un tiers des patients » explique le Dr Laurent Guilleminault (hôpital Larrey, Toulouse). Si la toux persiste après ces deux premières étapes, il faut alors étendre les explorations, en fonction du contexte, avec la réalisation d'une pHmétrie des 24 heures, une manométrie œsophagienne, un scanner thoracique, une FENO (fraction exhalée du monoxyde d'azote), un enregistrement du sommeil, un bilan phoniatrique, etc.
Quelle que soit la prise en charge de la toux, il est important d'évaluer objectivement sa sévérité avec une échelle visuelle analogique (EVA) de la toux et le Leicester Cough Questionnaire afin d'assurer un suivi plus précis notamment de l'effet des thérapeutiques initiées.
« Nous avons réalisé une enquête auprès des pneumologues et des allergologues pour analyser leur prise en charge de la toux chronique. Elle révèle que, si les traitements d'épreuve du RGO et de l'asthme sont très largement réalisés, il existe certaines difficultés d'accès à la pHmétrie des 24 heures ainsi qu'à la FENO, qui est pourtant un atout certain, ne serait-ce que pour la recherche d'une bronchite à éosinophiles », poursuit le pneumologue. Un groupe de travail « Toux chronique » va être mis en place sous l'égide de la SPLF, afin de promouvoir les recherches et de répondre aux questions des praticiens.
Un seuil tussigène très bas
Malgré un bilan complet et le traitement d'éventuels facteurs favorisants, la toux chronique reste inexpliquée ou réfractaire dans 10 à 42 % des cas. Ce constat a fait émerger le concept de toux d'hypersensibilité, qui correspond à un seuil tussigène très bas chez certains patients. Un déclenchement du réflexe de toux se fait alors en réponse à un stimulus faible (parole, odeur, variation de température, etc.). La physiopathologie est assez complexe et imparfaitement connue, mettant en cause une hypersensibilité des récepteurs bronchiques et/ou des voies neurologiques de la toux. Les virus respiratoires pourraient jouer un certain rôle dans l'initiation de ce « Cough Hypersensitivity Syndrome » (CHS). On retrouve, en effet, souvent la notion d'une infection virale à la suite de laquelle la toux a persisté, et des travaux indiquent que les rhinovirus pourraient provoquer un « switch » des récepteurs qui resteraient activés et continueraient à provoquer la toux pour des stimuli mineurs.
Le CHS pourrait relever de mécanismes physiopathologiques proches de la douleur neuropathique, et des essais menés avec la prégabaline, la gabapentine, l'amitryptiline ont montré une amélioration de la toux en modulant la régulation neurologique, mais les effectifs sont faibles et les effets indésirables nombreux, aussi ces traitements n'ont pas l'autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication.
Des antagonistes des récepteurs bronchiques sont en cours de développement et laissent entrevoir des options thérapeutiques très prometteuses dans la toux chronique réfractaire. Ainsi un antagoniste des récepteurs P2X3, le gefapixant, a permis une réduction de 75 % de la fréquence de la toux dans une étude de phase 2. L'étude de phase 3 est en cours et d'autres traitements agissant sur les récepteurs bronchiques sont en cours de développement.
Entretien avec le Dr Laurent Guilleminault, hôpital Larrey (Toulouse)
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