Paralysie faciale idiopathique

Des traitements à valider

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Publié le 25/10/2018
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paralysie faciale

paralysie faciale
Crédit photo : PHANIE

La paralysie faciale (PF) idiopathique ou a frigore relève de diverses hypothèses physiopathologiques : inflammatoires, vasculaires, et, parmi les plus récentes mais encore débattue, une infection par virus de l’herpès, qu’il ne faut pas confondre avec une PF liée à la réactivation du virus varicellozonateux au niveau du ganglion géniculé, qui n’est évidemment pas idiopathique.

La clinique est incontournable, puisqu’elle permet déjà simplement de distinguer PF centrale et périphérique et, en présence d’une sécheresse lacrymale, de pointer une lésion au niveau de la première portion du nerf VII. En l’absence de contexte étiologique évident, la biologie se limite à NFS/VS/CRP. Les sérologies Herpes simplex et virus varicellozonateux, peu contributives, n’ont pas d’intérêt en pratique, et ne sont pas demandées en dehors de la recherche. « On devient par contre un peu plus systématique maintenant pour la recherche d’une maladie de Lyme, dont l’incidence augmente, ainsi que du VIH et de la syphilis, responsables de quelques cas », souligne le Pr Frédéric Tankere de la Pitié-Salpêtrière à Paris.

Primauté à l’examen ORL

L’audiométrie recherche des troubles cochléo-vestibulaires éventuellement associés. La présence d’un réflexe stapédien* signe une lésion au niveau de la troisième portion du VII. Il est absent dans les PF a frigore.

Le scanner, qui est très souvent demandé en urgence, n’a aucun intérêt. En France, les experts s’accordent pour demander systématiquement une IRM analysant les trois portions du VII, afin de ne pas passer à côté d’une étiologie tumorale, même si elle est relativement rare.

« Dans notre série de plus de 100 cas de PF a priori idiopathiques chez des femmes enceintes, pour lesquelles le risque est multiplié par trois au cours du troisième trimestre et dans les trois mois suivant l’accouchement, on retrouve 10 % de PF qui ne sont ni idiopathiques ni virales », souligne le Pr Tankere. Par contre, il n’y a aucun intérêt à réaliser l’IRM en urgence, malgré la brutalité du tableau.

Enfin, l’EMG ne se justifie que dans les PF totales, lorsque se pose la question d’une indication à la décompression du nerf facial. Dans ce cas, elle doit être faite avant le dixième jour afin d’évaluer la perte axonale.

Un manque d’études randomisées

L’administration précoce de prednisone à la dose de 1 mg/kg pendant de cinq à dix jours (il est inutile de la poursuivre au-delà de quinze jours) apporte un bénéfice significatif. Selon des études récentes, des bolus initiaux de corticoïdes à très fortes doses per os ou par intraveineuse pourraient avoir une efficacité supérieure, à condition d’être administrés dans les trois premiers jours. Dans quelques essais, la réponse serait meilleure après des injections intratympaniques de corticoïdes. « On manque d’études contrôlées permettant d’avancer dans ce domaine en ce qui concerne leur dose et leur voie d’administration », regrette l’ORL.

Les antiviraux n’ont pas montré d’intérêt dans les études les plus fiables par rapport aux corticoïdes seuls. Les dernières recommandations américaines de 2013 laissent libre de les prescrire à condition qu’ils soient débutés avant le troisième jour et toujours associés à des corticostéroïdes.

Le Pr Tankere insiste sur le risque d’une rééducation en force de la musculature faciale, susceptible de favoriser les séquelles spastiques. Réalisée précocement, la rééducation repose sur la détente musculaire, les massages, le travail en symétrie pour désinvestir le côté sain souvent « hyperactif », dépister très rapidement et lutter contre les contractures musculaires du côté paralysé.

Par analogie avec la surdité brusque, on a proposé l’oxygénothérapie hyperbare, qui s’est montrée supérieure à la corticothérapie dans une seule étude, ce qui ne permet donc pas de conclure.

La décompression pourrait être efficace lorsque la perte axonale est de plus de 90 %, voire de 95 %, si elle est réalisée avant le 14e jour, et si la PF est subtotale ou totale, mais on manque d’études reposant sur des critères d’évaluation fiables.

Une récupération spontanée dans trois quarts des cas

La récupération dans la PF idiopathique est la norme, mais dans un quart des cas peuvent persister des séquelles motrices, spastiques ou des syncinésies. En l’absence de récupération à un an, on peut proposer au patient diverses méthodes de réhabilitation.

Les récidives ne sont pas rares, avec un risque de 6 % de deuxième PF homolatérale, puis de 15 % d’une troisième, de 40 % d’une quatrième, etc. Elles sont très probablement en rapport avec une anomalie anatomique du segment labyrinthique du VII.

Communication du Pr Frédéric Tankere (la Pitié-Salpêtrière, APHP)

* Le RS est un réflexe de protection devant une stimulation auditive supérieure à 80 dB. Il entraîne une contraction du muscle de l’étrier qui rigidifie la chaîne tympano-ossiculaire visant à protéger l’oreille interne d’un traumatisme acoustique. Il s’étudie par la tympanométrie.

ORL

Source : Le Quotidien du médecin: 9697