Hospitaliers, libéraux, étudiants : la santé des médecins et des soignants suscite un nombre croissant de recherches. L’organisation du travail en milieu de soins, notamment la question des horaires, avec le travail posté et le travail en douze heures, génère des risques qui ne peuvent être ignorés.
Burnout des internes
Avant la pandémie de Covid-19 et la saturation des services de réanimation, le Dr Clément Duret (Hôpital Raymond Poincaré) a mené une étude sur la santé psychique des internes en anesthésie-réanimation. En 2019, un questionnaire a été envoyé aux 2 302 internes de la discipline. « Nous avons eu un taux de participation de 22,5 %, détaille-t-il. 80,7 % des répondants indiquent travailler plus de 48 heures par semaine et 92 % déclarent le respect systématique du repos de garde. Cependant, les indicateurs de santé psychique interpellent, avec de l’anxiété (19,8 %), des burnout (38,9 %) et du stress (55,7 %). » Globalement, l’enquête suggère que 25 à 30 % des répondants sont en situation de risque pour leur santé psychique et 10 à 15 % en souffrance. « Cela montre qu’il faut prendre davantage conscience de la lourdeur de la formation, améliorer l’écoute et faciliter l’articulation entre travail clinique, universitaire et vie professionnelle. » Le Dr Duret pointe enfin les limites de l’étude, réalisée avant la pandémie, alors même que ces services ont été surmobilisés. En 2018, la Dr Carole Pélissier (CHU de Saint-Étienne) s’est également intéressée au sujet du burnout des internes. « Les résultats de notre étude confirment le lien entre le burnout et certains facteurs psycho-organisationnels, sur lesquels il est possible d’agir en proposant des modifications des conditions de travail, explique-t-elle. Il faut aussi favoriser le suivi médical des internes pour repérer précocement l’anxiété, la dépression et l’épuisement. »
Crise au Samu 67
À Strasbourg, le service de santé au travail du personnel hospitalier des hôpitaux universitaires est de plus en plus sollicité pour intervenir dans des situations de crise en milieu professionnel, voire extraprofessionnel. « Ce fut notamment le cas en mai 2018, suite au dramatique décès d’une patiente qui avait appelé le Samu à plusieurs reprises, témoignent les Dr Laurence Kling-Pilliteri et Anne Weiss (CHU de Strasbourg). Cette crise a entraîné un déferlement médiatique international et a eu des conséquences professionnelles, individuelles et collectives, traumatisantes. » Déstabilisation de l’équipe, incompréhension, climat d’insécurité, perte de confiance en soi, du sens du travail… Dans ce contexte, le médecin du travail est rapidement intervenu. « Déplacements au centre de réception et de régulation des appels, rencontres avec l’équipe, nombreuses consultations médicales individuelles, orientation pour des prises en charge de soins ou encore alertes à la direction, les modalités de l’intervention ont été multiples, poursuivent les Dr Kling-Pilliteri et Weiss. L’impact a été majeur, pour l’équipe du Samu 67 comme pour celle du SST, sollicitée pour la prise en charge de personnels en état de mal-être aigu. » Des sollicitations qui, cependant, interrogent sur les limites des missions et interventions des SST.
Soignants en difficulté
Créée en 2010 à Toulouse, l’association Mots (Médecin, organisation, travail, santé) propose une aide confraternelle et un accompagnement global aux soignants en difficulté, avec une approche humaniste, confidentielle et gratuite. « Notre action se déroule en quatre étapes : analyse de la demande du soignant qui appelle, co-élaboration d’un projet personnalisé de santé, orientation vers les différentes ressources et spécialistes, suivi et accompagnement, indique la Dr Sophie Miczek, médecin coordonnatrice de l’association. Cela ne remplace pas la médecine du travail, mais notre modèle est intéressant car il offre la possibilité de solliciter une aide extérieure, hors du contexte professionnel justement. Notre ambition est bien d’agir en complémentarité et en synergie avec les SST. » Depuis 2019, l’association Mots peut proposer un accompagnement à tous les soignants disposant d’un ordre professionnel (dentistes, infirmiers, kinésithérapeutes, médecins, pharmaciens, podologues et sages-femmes). « À chaque fois, les médecins de Mots sont titulaires du DIU ‘Soigner les soignants’ et/ou impliqués par leur spécialité médicale dans la santé des professionnels de soin, complète la Dr Miczek. En 2021, 81 % des personnes accompagnées étaient des médecins, avec une égale proportion entre hospitaliers et libéraux. »
Exergue : « Nous offrons la possibilité de solliciter une aide extérieure, hors du contexte professionnel »
« Préserver la santé des soignants et des médecins », CO1
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