Les hémorragies fonctionnelles (hors grossesse et ménopause) concernent 15 % des femmes en période d'activité génitale, avec un pic allant jusqu'à 25 % entre 36 et 40 ans.
Il s'agit essentiellement de ménorragies, définies par des règles durant plus de 7 jours et/ou d'un volume > 80 ml. Il est toujours intéressant de demander aux patientes de tenir un calendrier des saignements afin d'établir le score de Higham, mais l'évaluation est toujours très subjective, 30 % des femmes estimant normal un flux supérieur à 80 ml et 20 % le trouvant trop abondant à moins de 20 ml. L'amélioration des protections périodiques a aussi rendu ce score un peu obsolète, cependant un score > 150 est très prédictif d'un échec du traitement médical. « L'essentiel est d'évaluer le retentissement sur la qualité de vie – levers nocturnes, absentéisme, isolement… – et bien sûr l'anémie », explique la Dr Marie Lambert (CHU de Bordeaux).
Un diagnostic d'élimination
Le bilan a essentiellement pour but d'éliminer une pathologie organique. La NFS est indispensable, complétée éventuellement selon le contexte par un dosage de la ferritine, des βHCG, de la TSH, prolactine et androgènes et d'un bilan de la coagulation. Le frottis cervico-utérin est à faire s'il date de plus de 3 ans ou qu'il existe une lésion visible, ce qui impose aussi dans ce cas la colposcopie et la biopsie de l'endomètre.
L'échographie pelvienne par voie abdominale et vaginale est systématique, le doppler éliminant une malformation artérioveineuse. Une hystérosonographie (HS) est de plus en plus souvent pratiquée, du fait de sa sensibilité élevée et de son caractère indolore, avec une valeur diagnostique comparable à l'hystéroscopie. Cette dernière reste indiquée en deuxième intention, si l'HS n'est pas réalisable, qu'il existe des facteurs de risque de cancer de l'endomètre ou après échec d'un traitement médical pendant 3 à 6 mois. Elle permet alors une biopsie endométriale afin d'éliminer un cancer ou une néoplasie intra-épithéliale, situation finalement assez rare. L'hystéroscopie diagnostique sans dilatation cervicale peut être réalisée à la consultation mais les biopsies sont alors faites à l'aveugle. L'IRM n'a pas d'intérêt, sauf quelques cas particuliers.
Un arsenal thérapeutique large
Les hémorragies fonctionnelles sont liées soit à des troubles ovulatoires, avec des saignements irréguliers liés à l'hyperœstrogénie qui favorise l'hyperplasie endométriale, soit à des anomalies de l'hémostase endométriale locale (augmentation de la fibrinolyse), sans troubles de l'ovulation.
La prise en charge a pour objectif de corriger l'anémie et d'améliorer la qualité de vie plus que de diminuer les pertes sanguines. Elle prend en compte l'âge, le désir de grossesse, la dysménorrhée ou l'existence d'une pathologie organique associée.
En première intention, on propose toujours un traitement médical. Parmi les traitements non hormonaux, on peut proposer en première ligne l'acide tranexamique (Exacyl) à 1 g/8 heures. Cet antifibrinolytique réduit les saignements de 40 à 60 %, mais n'a pas d'action préventive. Il est moins efficace que le dispositif intra-utérin (DIU) au lévonorgestrel et est contre-indiqué en cas de facteurs de risques cardiovasculaires en préménopause. Le risque de thrombose veineuse est faible dans la littérature et, en pratique, l'acide tranexamique n'est contre-indiqué qu'en cas d'antécédents thrombotiques veineux datant de moins de trois mois.
Les AINS réduisent la synthèse des prostaglandines, impliquées dans une néovascularisation excessive. Moins efficaces que l'acide tranexamique ou le DIU, ils réduisent le volume des règles de 10 à 50 % et ont l'intérêt d'améliorer la dysménorrhée.
Le DIU au lévonorgestrel apporte un bénéfice supérieur aux traitements oraux, en réduisant les saignements de 86 % à 3 mois. La contraception œstroprogestative, moins efficace, les diminue de 35 à 70 %. Concernant les progestatifs, les études sont anciennes et l'efficacité nettement inférieure au DIU. L'acétate de médroxyprogestérone amène 60 % d'aménorrhée à 1 an mais au prix de nombreux effets indésirables. En France, les macroprogestatifs pregnane et norpregnane ont l'AMM dans cette indication, en prise continue ou 21 jours par mois. On manque de donnée quant au dienogest, un dérivé de la nortestostérone dépourvu d'activité androgénique.
Enfin, le danazol, un antigonadotrope ou les analogues du GnRH ont quelques indications dans certaines pathologies mais avec une iatrogénie élevée.
La chirurgie en deuxième intention
La chirurgie n'est envisagée qu'en cas de contre-indication, échec ou intolérance d'un traitement médical mené 3 à 6 mois et si la patiente ne souhaite plus de grossesse. La résection endométriale conservatrice est à proposer en première intention, avec des techniques de deuxième génération de destruction endométriale à l'aveugle par ballonnets chauffants ou radiofréquence. Une grossesse est toujours possible dans ce cas, mais grevée de lourdes complications, aussi faut-il toujours y associer une contraception. Le risque de récidive n'est pas exclu.
L'hystérectomie radicale par voie vaginale ou cœlioscopie est le traitement le plus efficace (95 % des femmes satisfaites à 5 ans) mais de dernier recours. Le nombre de ces interventions a nettement diminué depuis les DIU au lévonorgestrel.
Communication de la Dr Marie Lambert (CHU de Bordeaux)
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