Avec le cancer du pancréas, celui de l’estomac et de la jonction œsogastrique, notamment les formes métastatiques, ont très longtemps été les parents pauvres de l’oncologie digestive. Ils présentent un pronostic défavorable, avec une médiane de survie globale ne dépassant généralement pas les douze mois. Diverses études randomisées de phase 3 ont par le passé exploré l’ajout de différentes thérapies ciblées, tels que les agents anti-angiogéniques ou anti-EGFR. Cependant, la plupart ont échoué, maintenant ainsi comme traitement de référence l’association de fluoropyrimidine (5-fluorouracile [5-FU] ou capécitabine) et de sels de platine (oxaliplatine ou cisplatine), connue sous le nom de protocole Folfox (5-FU + oxaliplatine). Seule une thérapie ciblée, le trastuzumab, a fait preuve d’une certaine efficacité, mais elle est limitée aux patients dont les tumeurs surexpriment la protéine HER2, soit 15 à 20 % des cas.
Mais l’espoir renaît dans les formes métastatiques HER2 négatives, grâce notamment aux résultats de l’essai Gastfox-Prodige 51 (étude promue et financée par la Fédération française de cancérologie digestive [FFCD], avec Unicancer-GI et le Groupe coopérateur multidisciplinaire en oncologie [Gercor]). L’idée des chercheurs, emmenés par le Pr Aziz Zaanan (HEGP, AH-HP), était de challenger cette bi-chimiothérapie par la tri-chimiothérapie TFOX (5-FU + oxaliplatine + docétaxel). Pour mémoire, il s’agit déjà du protocole de chimiothérapie de référence en péri-opératoire des formes localisées résécables des cancers de l’estomac et de la jonction œsogastrique. Les résultats de phase 2 avec la TFOX dans les formes métastatiques étaient prometteurs.
La médiane de survie globale dépasse les quinze mois
Entre décembre 2016 et décembre 2022, 506 patients inclus par 96 centres français ont été randomisés (1:1) pour recevoir un traitement par Folfox (n = 252) ou TFOX (n = 254). Le suivi médian a atteint 42,8 mois.
Le traitement par TFOX comparativement au Folfox a significativement amélioré le critère principal, la survie sans progression (SSP) médiane, qui est de 7,59 vs 5,98 mois. Le temps de survie moyen restreint à douze mois (RMST, évaluant l’espérance de vie de patients à cet instant) est de 7,52 contre 6,62 mois, p = 0,007. La survie globale est significativement améliorée : 15,08 vs 12,65 mois ; HR = 0,82 [0,68-0,99] ; p = 0,048, ainsi que le taux de réponse objective (66,2 vs 57,5 % ; p = 0,04).
« C’est la première fois que la médiane de survie globale dépasse les quinze mois grâce à un protocole de chimiothérapie, souligne le Pr Zaanan. De plus, lors des analyses de sous-groupes, il est apparu que les patients plus jeunes et ceux présentant une forme histologique diffuse du cancer de l’estomac, connue pour sa plus grande agressivité (environ 40 % des cas), bénéficient davantage du TFOX. »
Tolérance difficile
Cependant, le TFOX étant une trithérapie, il peut être assez lourd pour certains patients en termes de tolérance. Les principales toxicités de grades 3-4 étaient la neuropathie (31,7 vs 19,7 %), la diarrhée (14,5 vs 6,4 %) et la neutropénie (26,1 vs 17,7 % ; sans augmentation des neutropénies fébriles, cependant).
« Néanmoins, le TFOX peut être considéré, à partir de maintenant, comme une nouvelle option de traitement en première ligne pour les patients éligibles à une tri-chimiothérapie, notamment pour ceux présentant une tumeur PD-L1 ou CLDN18.2 négatives. Une avancée actée dans l’actualisation 2024 du thésaurus national de cancérologie digestive (TNCD) », note le Pr Zaanan.
« Le TFOX peut être considéré, à partir de maintenant, comme une nouvelle option de traitement en première ligne pour les patients éligibles »
Pr Aziz Zaanan (HEGP, AH-HP)
Prochaine étape : TFOX avec immunothérapie ?
La situation promet d’évoluer assez vite, notamment avec l’immunothérapie. En effet, des études ont montré récemment que l’association d’une immunothérapie (anticorps anti-PD1) + Folfox pouvait améliorer la survie de ces patients, en particulier ceux dont les tumeurs surexpriment la protéine PDL1.
Le paysage thérapeutique dans le traitement du cancer métastatique de l’estomac HER2 négatif comporte donc en 2024 deux standards thérapeutiques distincts : le Folfox associé à l’immunothérapie, et le Folfox combiné au docétaxel. Comment choisir ? « L’expression de la protéine PDL1 est un critère majeur, mais aussi l’état général du patient, le type histologique ainsi que le profil de toxicité. La prochaine étape sera d’évaluer l’intensification de chimiothérapie en association avec l’immunothérapie », souligne le Pr Zaanan.
De nombreuses autres perspectives existent aujourd’hui. Le zolbétuximab est un anticorps dirigé contre la protéine claudine 18.2 (CLDN18.2), qui est impliquée dans les jonctions serrées entre les cellules et surexprimée chez environ un tiers des tumeurs. Des études récentes ont montré que le rajout du zolbétuximab au Folfox permettait d’améliorer de façon significative la survie des patients.
D’autres médicaments sont en cours d’évaluation avec des données préliminaires encourageantes, comme les agents dirigés contre FGFR2 (fibroblast growth factor receptor 2). Ils pourraient venir encore modifier la stratégie thérapeutique dans ce cancer.
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