L’appendicite aiguë non compliquée bientôt traitée par antibiothérapie ? C’est une sérieuse piste thérapeutique suggérée par une étude américaine multicentrique publiée cette semaine dans le « New England Journal of Medicine » (NEJM).
Les auteurs de ce travail ont observé plus de 1 500 patients souffrant d’appendicite aiguë simple qui ont bénéficié soit de dix jours d’antibiothérapie soit d’une appendicectomie sous cœlioscopie. À un mois post-traitement, le groupe traité par antibiotiques a montré des résultats comparables au groupe traité par chirurgie concernant l’état de santé global quantifié par le score EQ-5D, une évaluation subjective combinant plusieurs items comme la douleur, l’autonomie ou encore l’état psychique.
Des résultats dont se félicite le Pr Frank Zerbib, hépato-gastroentérologue au CHU de Bordeaux : « Cet essai randomisé de bonne qualité démontre la pertinence de l’antibiothérapie en première intention dans la prise en charge de cette pathologie digestive fréquemment rencontrée. Il vient corroborer les résultats d’études antérieures sur le sujet ».
En effet, le sujet n’est pas nouveau. Déjà six études se sont penchées sur la place des
antibiotiques dans cette indication, dont deux considérées comme de bonne qualité.
Toutefois aucune d’entre elles n’avait pu démontrer la non-infériorité du traitement par antibiothérapie par rapport à la chirurgie sur leurs critères de jugement principaux.
Risque de récidive post-antibiothérapie
« Les résultats de ces travaux expliquent pourquoi l’appendicectomie est toujours le
traitement de référence pour cette pathologie, commente le Pr Jérémie Lefèvre,
chirurgien digestif au CHU Saint-Antoine à Paris. Car le problème de l’antibiothérapie c’est qu’elle expose au risque de récidive d’appendicite et donc de complications ».
Effectivement, la récidive semble être le point de discorde entre spécialistes. Une récente méta-analyse montrait qu’à long terme le taux cumulé de récidives justifiant une
appendicectomie secondaire après traitement médical était de 35 % à trois ans et de 39 % à cinq ans avec un risque de complications plus important.
Dans l’étude du « NEJM », l’appendicectomie dans un deuxième temps dans le groupe antibiothérapie a concerné un tiers des patients, 11 % dans les 48 heures suivant la prise d’antibiotiques, 20 % à un mois et 29 % à trois mois. Mais, élément important, près de deux tiers de ces patients présentaient un stercolithe (calcification dans l’appendice) à l’imagerie.
Présence d'un stercolithe, une situation à risque
« Ces résultats nous indiquent que le taux de récidive concerne majoritairement les patients présentant un stercolithe, signale le Pr Zerbib. De ce fait, devant une appendicite aiguë non compliquée confirmée à l’imagerie, et surtout en l’absence de stercolithe, l’antibiothérapie est une option thérapeutique sérieuse à prendre en compte. On pourrait ainsi éviter un recours à la chirurgie plus de deux fois sur trois ». D'ailleurs le gastro-entérologue compare cette stratégie thérapeutique à celle de la sigmoïdite diverticulaire qui a vu ses indications chirurgicales drastiquement baisser ces dernières années au profit d’un traitement conservateur.
Mais cette analyse n’est pas partagée par le Pr Lefèvre pour qui la prise en charge
chirurgicale de la sigmoïdite et celle de l’appendicite ne sont pas superposables.
« L’appendicectomie sous cœlioscopie est une opération légère qui dure moins d’une heure, de plus en plus réalisée en ambulatoire et dont le risque de complications est minimal, affirme le chirurgien. De plus, grâce à l’apport du scanner, nous sommes loin du temps où l’on opérait des malades pour rien ». Cependant, le chirurgien tempère son propos : « l’antibiothérapie est une alternative envisageable pour l’appendicite aiguë simple sans stercolithe en cas de crise sanitaire comme nous l’avons vécu en mars et avril dernier, lorsqu'une chirurgie ne peut être effectuée dans des délais raisonnables ».
Pour l’heure, les recommandations des sociétés savantes lui donnent raison. La Haute Autorité de santé (HAS), tout comme la Société française de chirurgie digestive et la Société d’imagerie abdominale et digestive, positionnent toujours l'appendicectomie comme traitement de référence. Toutefois, les résultats de cette étude justifient l'intérêt grandissant pour l’antibiothérapie en première intention dans l’appendicite aiguë non compliquée. En définitive, si les antibiotiques ne sont pas près d’être automatiques, le débat autour de leur utilisation est résolument loin d'être clos.
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