« La période de transition ménopausique, ou périménopause, commence vers 45 ans et constitue une période à risque. C’est dès ce moment que vont potentiellement s’installer des désordres métaboliques, avec la modification de distribution des graisses athérogènes, favorisant l’insulinorésistance, l’hypertension artérielle (HTA) et l’augmentation du risque de cancers, en particulier du colon et de l’endomètre. C’est là aussi que peuvent débuter les troubles vasomoteurs, d’autant plus sévères, généralement, qu’ils commencent tôt. La sévérité de ces troubles semble associée, de façon non nécessairement causale, à des désordres cardiovasculaires dans des études récentes. La périménopause, qui vient s’ajouter au vieillissement, est donc une période propice en termes de prévention au sens général », résume la Pr Anne Gompel (CHU Cochin, Paris).
Nutrition, activité, dépistages
« Les recommandations américaines ont détaillé les axes importants de cette prévention », explique la Pr Gompel.
C’est d’abord le maintien d’un IMC normal, en appliquant des règles d’hygiénodiététique. La pratique d’une activité physique d’intensité moyenne de 300 minutes par semaine ou d’activité intense de 150 minutes par semaine, permet de maintenir la masse musculaire et de lutter contre l’ostéopénie. Vient ensuite la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaires classiques : LDLc, HTA, diabète, tabac.
Il faut enfin rechercher les antécédents familiaux cardiovasculaires, de cancers, de thromboses veineuses, de troubles métaboliques, pour cibler la prévention. Sans oublier les apports calciques en visant 800 mg/j de calcium et jusqu’à 1,2 g/j lors d’ostéoporose — laquelle bénéficie aussi des sports en charge.
« On est dans une période de dépistage, prise en charge, prévention, de rééducation à une vie saine. C’est pourquoi la consultation de la ménopause demande un temps long », souligne la Pr Gompel.
Le THM en fonction du profil de risque
Dans ce contexte quelle est la place du traitement hormonal de la ménopause (THM) ? « Il a un bénéfice démontré dans les études randomisées sur les symptômes du climatère, le risque d’ostéoporose, de fracture ostéoporotique et le risque de cancer colorectal. Son effet cardiovasculaire est en revanche plus discuté. Reste le risque de cancer du sein », explique la Pr Gompel.
Le rapport bénéfice/risque cardiovasculaire dépend de l’âge et des associations. En France, on utilise l’estradiol sous forme extra-digestive (patch, gel), associé à la progestérone micronisée ou la dydrogestérone, ce qui a l’avantage de ne pas agir sur la coagulation. On ne dispose pas d’études randomisées, mais les études observationnelles réalisées dans notre pays, et reproduites en Angleterre, montrent qu’on n’augmente pas le risque de thrombose veineuse ou d’AVC avec cette association.
Même dans l’étude américaine WHI (avec œstrogènes équins conjugués et acétate de médroxyprogestérone), quand on stratifie sur l’âge, on ne constate pas d’augmentation du risque cardiovasculaire chez les femmes traitées à l’âge de 50 à 60 ans. On constate même une baisse de la mortalité versus placebo dans cette tranche d’âge, ou dans les 10 ans après la ménopause avec l’estradiol en voie orale associé à un progestatif synthétique dans les essais américains. C’est pourquoi le THM doit être initié tôt.
Reste le risque de cancer du sein. Il est relatif mais à peser. L’étude de cohorte de la MGEN menée par Françoise Clavel et coll. avec le THM à la française relève un risque à long terme, avec un effet durée-dépendant. Plusieurs études cas contrôles et observationnelles, confirment que ce surrisque de cancer du sein — autour de 24 % — est bien plus faible avec la progestérone micronisée ou la dydrogestérone, qu’avec les progestatifs de synthèse, et existe essentiellement au-delà de cinq ans de traitement. En outre, il disparaît à l’arrêt du traitement.
Il s’agit d’un effet promoteur sur les cancers du sein hormonodépendants, sans effet sur les cancers non hormonodépendants, ni sur la mortalité par cancer du sein. « Nous avons néanmoins une sélection des patientes à faire. En fonction des facteurs de risque du cancer du sein, il faut bien peser la prescription », conclut la Pr Gompel.
Enfin le THM peut aider les femmes dans les troubles anxieux et du sommeil liés à la ménopause. « Il ne faut pas être dans un déni de la ménopause. C’est une période compliquée. On peut aider les femmes », souligne l’endocrinologue.
Penser aux œstrogènes locaux
Un point à ne pas méconnaître est la possibilité d’administration locale des œstrogènes. Ce traitement peut être mis en place chez toutes les femmes, à l’exception de celles sous inhibiteur d’aromatase pour cancer du sein (où il sera discuté en deuxième ou troisième ligne). Ce traitement local est en effet dénué de risque sur le cancer du sein et il est très intéressant dans la prise en charge des troubles génito-urinaires comme les atrophies. Il devrait d’ailleurs être systématiquement associé à la rééducation périnéale lorsqu’elle est nécessaire.
Exergue : « Il ne faut pas être dans un déni de la ménopause. C’est une période compliquée »
Entretien avec la Pr Anne Gompel (CHU Cochin, Paris) Lobo RA, Gompel A. Management of menopause: a view towards prevention. Lancet Diabetes Endocrinol 2022;10: 457-70 Rossella E et al. Menopause: a cardiometabolic transition. Lancet Diabetes Endocrinol 2022;10: 442-56
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?